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Il se détourna et revint vers l’avant.<br />
Les rives étaient couvertes d’une végétation épaisse et luxuriante, mais les collines qui s’élevaient<br />
derrière ces ban<strong>des</strong> de verdure demeuraient nues et rocailleuses. Émouchet et ses amis étaient assis sur le<br />
gaillard d’avant, surveillant soigneusement le capitaine et ses matelots, et guettant toute manifestation<br />
météorologique inhabituelle.<br />
Flûte était juchée sur le beaupré et jouait de son instrument tandis qu’Émouchet bavardait<br />
tranquillement avec Kurik. Il le mettait en garde contre toutes les peccadilles qui pouvaient être<br />
considérées comme <strong>des</strong> injures ou, pis encore, <strong>des</strong> sacrilèges.<br />
— Qui a fabriqué ces règles idiotes ?<br />
— Éshand. Il était dingue et les dingues se réconfortent facilement grâce à <strong>des</strong> rites.<br />
— Autre chose encore ?<br />
— Oui. Si tu venais à rencontrer <strong>des</strong> moutons, écarte-toi.<br />
— Pardon ? demanda Kurik, incrédule.<br />
— C’est très important, Kurik.<br />
— Vous n’êtes pas sérieux !<br />
— Mortellement sérieux. Enfant, Éshand avait été berger et, à ce titre, exaspéré qu’on puisse passer à<br />
cheval parmi ses moutons. Une fois au pouvoir, il annonça une révélation divine : les moutons étaient <strong>des</strong><br />
animaux sacrés et tout le monde devait leur céder le passage.<br />
— C’est dingue.<br />
— Ici, c’est la loi.<br />
— N’est-il pas étrange que les révélations du Dieu <strong>des</strong> Élènes semblent toujours coïncider<br />
exactement avec les préjugés de ses prophètes ? murmura Séphrénia.<br />
— Est-ce qu’il leur arrive d’agir comme les gens normaux ? demanda Kurik.<br />
— Pas souvent.<br />
Comme le soleil <strong>des</strong>cendait, le capitaine amarra son bateau contre la rive du fleuve ; ses matelots et<br />
lui déroulèrent leurs paillasses sur le pont arrière. Émouchet se leva et se dirigea vers le milieu du<br />
bateau. Il posa la main sur l’encolure de Faran.<br />
— Reste éveillé, dit-il au gros rouan. Si quelqu’un se met à ramper au beau milieu de la nuit, avertismoi.<br />
Faran montra les dents et se déplaça pour faire bien face à la poupe. Émouchet lui tapa familièrement<br />
sur la croupe et repartit vers l’avant.<br />
Ils soupèrent de pain et de fromage, puis étalèrent leurs couvertures sur le pont.<br />
— Émouchet…<br />
— Oui, Kurik.<br />
— Je viens d’avoir une idée. Est-ce qu’il y a beaucoup de gens qui vont à Dabour ?<br />
— Habituellement, oui. <strong>La</strong> présence d’Arasham tend à attirer <strong>des</strong> foules importantes.<br />
— C’est bien ce que je pensais. Est-ce qu’on ne serait pas un peu moins voyants si on débarquait en<br />
aval de Dabour pour nous joindre à l’un <strong>des</strong> groupes de pèlerins qui entrent dans la ville ?<br />
— Tu penses à tout, n’est-ce pas ?<br />
— Vous me payez pour ça. Il arrive que les chevaliers perdent le sens <strong>des</strong> réalités. C’est le travail<br />
<strong>des</strong> écuyers d’éviter <strong>des</strong> ennuis à leurs maîtres.<br />
— Je t’en sais gré, Kurik.<br />
— C’est le même prix.<br />
<strong>La</strong> nuit s’écoula sans incident et, à l’aube, les matelots filaient les amarres et hissaient à nouveau la<br />
voile. Ils dépassèrent la ville de Kodhl en milieu de matinée et continuèrent de remonter le courant vers<br />
Dabour. <strong>La</strong> circulation fluviale entre les deux villes était incroyable. Il ne semblait exister aucun code de<br />
circulation et les bateaux se heurtaient fréquemment. Ces incidents s’accompagnaient habituellement d’un