La trilogie des Joya..

— Je croyais que c’était fait.
— Loin de là.
Il lui adressa un large sourire.
— Quel âge as-tu donc, Séphrénia ?
— Qu’ont donc les pandions à me poser toujours la même question ? dit-elle, résignée. Tu sais fort
bien que je ne vais pas te répondre. Ne peux-tu accepter le fait que je suis plus âgée que toi et ne plus y
penser ?
— Tu es aussi plus âgée que moi, ajouta Vanion. Tu étais mon professeur alors que je n’étais pas plus
vieux que ces gamins qui gardent ma porte.
— J’ai l’air aussi vieille que cela ?
— Ma chère Séphrénia, tu es aussi jeune que le printemps et aussi sage que l’hiver. Tu nous as tous
jetés à l’abîme, tu sais ? Après qu’on a fait ta connaissance, la plus belle des jeunes filles n’a plus aucun
charme pour nous.
— N’est-il pas gentil ? (Elle sourit à Émouchet.) Assurément, aucun autre homme vivant n’a une
langue aussi charmeuse.
— Mets-le un peu à l’épreuve quand tu viens de rater une passe à la lance, répliqua amèrement
Émouchet. (Il bougea ses épaules accablées par l’armure.) Qu’est-ce qui se trame ici ? Je suis resté
longtemps absent et j’ai soif de nouvelles.
— Otha de Zémoch mobilise, lui apprit Vanion. On dit qu’il regarde vers l’est en direction de la
Darésie et de l’empire tamoul, mais j’ai quelques doutes à ce sujet.
— Quant à moi, j’en ai beaucoup, acquiesça Séphrénia. Les royaumes de l’ouest sont soudain inondés
de vagabonds styriques. Ils campent aux croisements des routes et vendent à la criée les marchandises
grossières de leur pays, mais aucune bande styrique ne les reconnaît. Bref, l’empereur Otha et son cruel
maître nous ont inondés d’espions. Azash, par le passé, a déjà poussé les Zémochs à attaquer l’ouest.
Quelque chose est dissimulé ici qu’il désire désespérément et il ne le trouvera pas en Darésie.
— Il est déjà arrivé que le Zémoch mobilise, dit Émouchet en se laissant aller en arrière. Il ne s’est
rien passé de plus.
— Je pense que, cette fois-ci, il se pourrait que ce soit un peu plus grave, protesta Vanion. Quand il
rassemblait ses forces, c’était toujours à la frontière ; dès que les quatre ordres combattants entraient en
Lamorkand pour l’affronter, il renvoyait ses troupes. Il nous mettait à l’épreuve, rien de plus. Cette foisci,
il masse ses armées derrière les montagnes… hors de vue, pour ainsi dire.
— Qu’il vienne, dit Émouchet d’un ton sinistre. Nous l’avons arrêté il y a cinq cents ans et nous
pourrons recommencer si nécessaire.
Vanion secoua la tête.
— Nous ne désirons pas revoir ce qui s’est passé après la bataille du lac Randéra… un siècle de
famine, de pestes et un écroulement social complet. Non, mon ami, nous ne voulons rien de cela.
— À condition de pouvoir l’éviter, ajouta Séphrénia. Je suis styrique et je sais sans doute mieux que
les Élènes à quel point le Dieu Aîné Azash est absolument mauvais. S’il revient vers l’ouest, il faut qu’il
soit arrêté… quel qu’en soit le coût.
— C’est la raison d’exister des chevaliers de l’Église, dit Vanion. Pour l’instant, tout ce que nous
pouvons faire, c’est de surveiller Otha.
— J’y repense, dit Émouchet. En entrant en ville hier soir, j’ai aperçu Krager.
— Ici, à Cimmura ? demanda Vanion, l’air surpris. Penses-tu qu’il pourrait l’accompagner ?
— Probablement pas. Krager sert habituellement de garçon de courses à Martel. C’est Adus qu’il faut
surveiller. (Il plissa les yeux.) Que savez-vous des incidents à Cippria ?
— Nous avons appris que Martel t’a attaqué. C’est à peu près tout.
— Il s’est passé bien plus que cela. Quand Aldréas m’a envoyé à Cippria, j’étais censé faire mon