La trilogie des Joya..

monseigneur, lui apprit Émouchet en tendant son verre.
— Eh bien, que se passe-t-il à Chyrellos ?
— La période est trouble, Kalten. Oui, bien trouble. L’archiprélat vieillit et toute la ville retient son
souffle en attendant sa fin.
— Qui sera le nouvel archiprélat ? demanda Émouchet.
— Pour le moment, c’est impossible à savoir. Cluvonus n’est pas en état de nommer un successeur et
Annias de Cimmura dépense des fortunes pour accéder au trône.
— Et Dolmant ? demanda Kalten.
— Il est trop effacé, je le crains. Il est à ce point dévoué à l’Église qu’il n’a pas la personnalité
nécessaire pour aspirer au trône doré de la basilique. De plus, il s’est fait des ennemis.
— J’aime les ennemis, dit Kalten avec un gros sourire. Ils donnent une raison d’affûter son épée.
Nashan considéra Séphrénia.
— Il se prépare quelque chose en Styricum ?
— Qu’entends-tu par là ?
— La cité grouille soudain de Styriques. On prétend qu’ils sont ici pour être instruits dans la foi
élène.
— C’est absurde.
— C’est bien ce que je pensais. Il y a trois mille ans que l’Église essaie sans grand succès de
convertir les Styriques et ils se précipiteraient soudain librement à Chyrellos en implorant d’être
convertis ?
— Aucun Styrique sain d’esprit ne ferait cela, dit-elle avec vigueur. Nos Dieux sont jaloux et
punissent sévèrement l’apostasie. (Ses yeux se plissèrent.) Des pèlerins auraient-ils précisé leur origine ?
demanda-t-elle.
— Pas à ma connaissance. Ils ressemblent tous à des Styriques de la campagne.
— Peut-être ont-ils accompli un voyage plus long qu’ils ne sont prêts à le révéler.
— Tu penses que ce pourraient être des Zémochs ?
— Otha a déjà infesté d’espions le Lamorkand oriental, répondit Séphrénia. Chyrellos est le centre du
monde élène. C’est le bon endroit pour l’espionnage et la sédition. (Elle réfléchit un instant.) Il est
probable que nous resterons ici un certain temps. Nous devons attendre l’arrivée des chevaliers des
autres ordres. Je pense que nous pourrions en profiter pour enquêter sur ces postulants inhabituels.
— Je ne puis m’engager réellement dans tout ceci, signala Émouchet. Pour l’instant, j’ai des sujets
bien plus importants à l’esprit. Nous nous occuperons d’Otha et de ses Zémochs quand le temps viendra.
Je dois me concentrer sur la restauration d’Ehlana et la sauvegarde de certains amis menacés de mort.
Il avait parlé de manière détournée, car il ne voulait pas divulguer les détails qu’elle lui avait révélés
sur les événements de la salle du trône de Cimmura.
— Très bien, Émouchet. Je comprends ton inquiétude. J’emmènerai Kalten et nous verrons ce que
nous pourrons dénicher.
Ils passèrent le restant de la journée à converser tranquillement dans le cabinet de Nashan et, le
lendemain matin, Émouchet revêtait une cotte de mailles et une simple robe à capuche pour rejoindre la
demeure de Dolmant.
— Il serait futile de lancer des accusations directes contre Annias annonça le patriarche. Il vaut sans
doute mieux éviter de parler de lui… ou de Harparine. Contentons-nous de présenter l’affaire comme un
complot pour discréditer l’ordre des Pandions. La Hiérocratie en tirera ses propres conclusions. (Il eut
un léger sourire.) La moins gênante, c’est qu’Annias s’est ridiculisé en public. Les patriarches neutres
s’en souviendront quand viendra le moment de choisir un nouvel archiprélat.
— C’est toujours ça. Est-ce que nous présenterons la question du prétendu mariage d’Arissa durant la
même session ?