La trilogie des Joya..

Majesté.
— Naturellement. Mes oreilles te sont grandes ouvertes.
— Je dois vous implorer de lui donner le temps de rassembler ses forces avant que vous ne vous
lanciez contre l’Église vénale en Rendor. Sa Majesté doit mobiliser avec prudence à cause de la
Hiérocratie de Chyrellos qui a des espions partout. Elle désire ardemment vous aider, mais l’Église est
puissante et il faut masser des forces suffisantes pour l’abattre d’un coup en Deira, de peur qu’elle se
ressaisisse et l’écrase. Sa Majesté pense que si vous montez votre campagne au sud au moment même où
elle monte la sienne au nord, l’Église sera confondue, ne sachant où faire front et, en agissant rapidement,
vous pourrez profiter de cette confusion pour gagner victoire sur victoire. L’impact en découragera et
démoralisera les forces de l’Église et vous pourrez tous deux marcher triomphalement sur Chyrellos.
— Dieu soit loué ! s’exclama Arasham en se levant d’un bond et en brandissant comme une arme sa
corne de bélier.
Émouchet haussa une main.
— Mais attention, ce dessein grandiose, qui ne peut être inspiré que par Dieu lui-même, n’a aucune
chance de succès si vous et Sa Majesté n’attaquez simultanément.
— Je le comprends fort bien. La propre voix de Dieu m’a instruit de cette stratégie même.
— J’en étais certain, naturellement. (Émouchet afficha une expression d’astuce extrême.) À présent,
l’Église est aussi rusée qu’un serpent et ses oreilles sont partout. Malgré tous nos efforts pour conserver
le secret, elle risque de découvrir notre plan. Son premier recours a toujours été la tromperie.
— Je l’ai effectivement décelée en elle.
— Il est tout à fait possible qu’une fois notre plan découvert elle tente de vous tromper. Et quel
meilleur moyen de vous tromper que de vous envoyer de faux messagers qui déclareront que Sa Majesté
est prête alors qu’elle ne l’est point ? Ainsi l’Église pourrait vous défaire les uns après les autres, vous et
vos disciples.
Arasham fronça les sourcils.
— Il n’y a rien de plus vrai. Mais comment éviter d’être trompés ?
Émouchet feignit d’y réfléchir. Puis il claqua soudain les doigts.
— Ça y est ! s’exclama-t-il. Quel meilleur moyen de confondre la malhonnêteté de l’Église que par un
mot… un mot connu uniquement de vous et moi et du roi de Deira ? Ainsi pourrez-vous savoir qu’un
message est authentique. S’il vient un émissaire qui soit incapable de vous répéter ce mot, ce sera
assurément un serpent de l’Église envoyé vous tromper et vous devrez vous charger de lui en
conséquence.
Arasham réfléchit.
— Mais oui, marmonna-t-il enfin. Je crois que cela pourrait permettre de confondre l’Église. Mais
quel terme peut être scellé en nos cœurs que nul ne puisse le dénicher ?
Émouchet jeta un regard voilé à Martel, dont le visage était soudain envahi par la morosité.
— Ce doit être un mot de pouvoir, dit-il en scrutant le toit de la tente comme s’il était plongé dans ses
pensées.
Le stratagème était simple… voire enfantin..., mais il était du genre qui devait plaire au vieil
Arasham, et qui lui fournirait un moyen parfait de régler quelques comptes avec Martel, comme au bon
vieux temps.
Séphrénia poussa un soupir et leva les yeux, résignée. Émouchet se sentit alors un peu honteux. Il
regarda Arasham qui, impatient, était penché en avant et mâchouillait ses gencives, ce qui ne manquait
pas d’agiter sa longue barbe.
— J’accepterai naturellement votre serment de garder le secret sans question aucune, sanctissime, dit
Émouchet avec une fausse humilité. Pour mon compte, je jure sur ma vie que le mot que je vais vous
confier ne sortira plus de mes lèvres avant que je le divulgue au roi Obler en Arcie, capitale de son