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— C’est là un point théologique intéressant, Votre Grâce. (Elle eut un sourire.) Un jour, il faudra que<br />
nous en discutions. Mais quand Otha accepta d’adorer Azash, il en reçut <strong>des</strong> pouvoirs énormes et finit par<br />
devenir empereur de Zémoch. Les Styriques et les Élènes se marièrent entre eux en Zémoch, de telle sorte<br />
qu’un Zémoch n’appartient pas réellement à l’une ou l’autre race.<br />
— C’est une abomination aux yeux de Dieu, dit Dolmant.<br />
— Les Dieux styriques sont à peu près du même avis, renchérit Séphrénia. (Elle regarda de nouveau<br />
Talen.) Pour comprendre Otha… et Zémoch… il est nécessaire de comprendre Azash. C’est la force la<br />
plus totalement malfaisante sur Terre. Les rites qu’on lui consacre sont abominables. Il se délecte de<br />
perversions, de sang et de l’agonie <strong>des</strong> victimes qui lui sont sacrifiées. A force de l’adorer, les Zémochs<br />
sont devenus tout à fait inhumains et leur incursion en <strong>La</strong>morkand fut accompagnée d’horreurs indicibles.<br />
Les armées d’invasion auraient été constituées uniquement de Zémochs qu’elles auraient pu être<br />
repoussées par <strong>des</strong> forces conventionnelles. Mais Azash les avait renforcées de créatures du monde<br />
inférieur.<br />
— Des gobelins ? demanda Talen, incrédule.<br />
— Pas exactement ; mais ce terme fera l’affaire. Il faudrait toute la matinée pour décrire les vingt<br />
variétés de créatures non humaines qu’Azash a sous ses ordres et tu n’aimerais guère ces détails.<br />
— Voilà un récit qui devient de moins en moins crédible, observa Talen. J’aime les batailles, mais<br />
quand on me parle de gobelins et de fées, mon attention faiblit. Je ne suis plus un enfant, après tout.<br />
— Plus tard, tu pourras comprendre… et croire, dit-elle. Continue ton récit, Bérit.<br />
— Oui, madame. Quand l’Église comprit la nature <strong>des</strong> forces qui envahissaient le <strong>La</strong>morkand, elle<br />
rappela de Rendor ses chevaliers. On renforça les rangs <strong>des</strong> quatre ordres avec d’autres chevaliers et <strong>des</strong><br />
simples soldats pour que les forces de l’occident fussent presque aussi importantes que celles de la horde<br />
zémoch d’Otha.<br />
— Il y eut bataille ? demanda Talen, impatient.<br />
— <strong>La</strong> plus grande bataille de l’histoire humaine, répondit Bérit. Les deux armées s’affrontèrent sur<br />
les plaines de <strong>La</strong>morkand près du lac Randéra. <strong>La</strong> bataille fut colossale sur le plan physique, mais encore<br />
plus fabuleuse sur le plan surnaturel. Des vagues de ténèbres et <strong>des</strong> lames de flammes balayaient le<br />
champ de bataille. Le feu et la foudre pleuvaient du ciel. Les coups de tonnerre roulaient perpétuellement<br />
d’un bout à l’autre de l’horizon et le sol lui-même était déchiré par <strong>des</strong> tremblements de terre et<br />
l’éruption d’une roche liquide brûlante. <strong>La</strong> magie <strong>des</strong> prêtres zémochs était contrée chaque fois par la<br />
magie concentrée <strong>des</strong> chevaliers de l’Église. Trois jours durant, les armées s’entrechoquèrent avant que<br />
les Zémochs fussent repoussés. Leur retraite s’accéléra pour se transformer enfin en déroute. Les hor<strong>des</strong><br />
d’Otha finirent par se rompre et s’enfuir vers la sécurité de la frontière.<br />
— Terrible ! s’exclama Talen. Et alors, notre armée a envahi Zémoch ?<br />
— Les hommes étaient trop épuisés. Ils avaient gagné la bataille, mais le coût en avait été immense.<br />
Une bonne moitié <strong>des</strong> chevaliers de l’Église gisait sur le champ de bataille et les armées <strong>des</strong> rois élènes<br />
comptaient leurs morts par dizaines de milliers.<br />
— Ils auraient quand même pu faire quelque chose, non ?<br />
Bérit secoua tristement la tête.<br />
— Ils soignèrent leurs blessés et enterrèrent leurs morts. Puis ils rentrèrent chez eux.<br />
— C’est tout ? demanda Talen, incrédule. Si c’est tout ce qu’ils ont fait, ce n’est pas une histoire<br />
formidable.<br />
— Ils n’avaient pas le choix. Ils avaient dépouillé les royaumes occidentaux de tous les hommes<br />
vali<strong>des</strong> en état de combattre et avaient laissé les récoltes à l’abandon. L’hiver arrivait et la nourriture<br />
manquait. Ils réussirent à passer la mauvaise saison, mais il y avait eu tellement de victimes au cours de<br />
la bataille que, lorsque vint le printemps, il ne restait pas assez de gens… à l’ouest comme en Zémoch…<br />
pour <strong>des</strong> semailles tardives. Ce fut la famine. Un siècle durant, le seul souci de l’Éosie fut de se nourrir.