La trilogie des Joya..

peut-être pas le but de sa question.) Vous avez parlé d’un talisman, durant votre sermon, sanctissime.
Pourrions-nous avoir la permission de le voir ?
— La sainte relique ? Bien entendu. Le vieillard fouilla à l’intérieur de sa robe et en sortit une espèce
d’ossement tordu qu’il tendit fièrement. Sais-tu de quoi il s’agit, Émouchet ?
— Non, sanctissime. Je ne crois pas.
— Au début de sa vie, saint Éshand était berger, tu sais.
— Oui, je l’ai entendu dire.
— Un jour, alors qu’il était très jeune, une brebis de son troupeau donna naissance à un agneau
parfaitement blanc qui ne ressemblait à aucun autre. A la différence des autres de sa race, il portait des
cornes à la naissance. C’était bien entendu un signe de Dieu. L’agneau pur, manifestement, symbolise
saint Éshand lui-même, et le fait que l’agneau était cornu ne pouvait signifier qu’une seule chose…
qu’Éshand avait été choisi pour châtier l’Église de son iniquité.
— Comme les voies de Dieu sont mystérieuses, s’émerveilla Émouchet.
— En vérité, mon fils. En vérité. Éshand soigna très tendrement ce bélier et celui-ci ne tarda pas à
s’adresser à lui, et sa voix était la voix de Dieu lui-même. Et ainsi Dieu instruisit Éshand de ce qu’il
devait faire. Cette sainte relique est un bout de corne de ce bélier lui-même. Tu peux ainsi comprendre
pourquoi elle à un pouvoir aussi immense.
— Cela est clair, sanctissime, dit Émouchet sur un ton révérenciel. Approche-toi, petite sœur, dit-il à
Séphrénia. Contemple cette relique miraculeuse.
Elle s’avança et examina attentivement le bout de corne.
— Remarquable, murmura-t-elle.
Elle jeta un coup d’œil à Émouchet avec un hochement de tête presque imperceptible.
Le goût amer de la déception emplit la bouche d’Émouchet.
— Le pouvoir de ce talisman l’emportera sur la puissance réunie des maudits soldats de l’Église et
de leur immonde sorcellerie, déclara Arasham. C’est Dieu lui-même qui me l’a dit. (Il eut un sourire
presque timide.) J’ai découvert quelque chose de véritablement remarquable. Quand je suis seul, je peux
lever la sainte relique jusqu’à mon oreille et entendre la voix de Dieu. Il m’instruit de la même manière
qu’il instruisit saint Éshand.
— Un miracle ! dit Martel sur un ton de stupéfaction feinte.
— N’est-ce pas ? demanda Arasham, rayonnant.
— Nous sommes envahis par la gratitude de nous avoir permis de contempler ce talisman,
sanctissime, et nous en répandrons la nouvelle à travers les royaumes du nord n’est-ce pas, Martel ?
— Oh, bien entendu, bien entendu.
Une expression intriguée était peinte sur le visage de Martel, qui considérait Émouchet d’un air
soupçonneux.
— Je vois bien que notre venue ici participe d’un dessein divin, continua Émouchet. Nous avons pour
mission de parler de ce miracle dans tous les villages et à tous les carrefours du nord. D’ores et déjà, je
sens que l’esprit de Dieu infuse ma langue d’une éloquence qui me permettra de décrire merveilleusement
ce que j’ai vu. (Il tendit la main et tapa sur l’épaule gauche de Martel… très fermement.) Ne ressens-tu
pas la même chose, mon cher frère ? demanda-t-il avec enthousiasme.
Martel grimaça légèrement et Émouchet sentit l’épaule qui se crispait sous sa main.
— Mais oui, admit Martel sur un ton légèrement douloureux. En vérité, c’est bien là ce que je ressens.
— Prodigieuse est la puissance de Dieu ! Exulta Arasham.
— Oui, fit Martel en se frottant l’épaule, prodigieuse.
L’idée avait été longue à venir – la rencontre avec Martel avait été une sacrée surprise –mais
maintenant tout s’imbriquait parfaitement. Émouchet était soudain heureux de la présence du renégat.
— Et maintenant, sanctissime, permettez-moi de vous communiquer le reste du message de Sa