La trilogie des Joya..

— Je suis un médecin classique, madame, répondit-il raidement. Je ne sais pas transformer les
insectes en fées ni léviter, ni lancer des sorts contre mes ennemis. Je né sais que suivre les pratiques
normales de ma profession, ce qui signifie que le malade doit ingérer le médicament.
— Vous avez détruit pour quelques personnes une pierre qui aurait pu en guérir des milliers ! (Elle
contrôlait difficilement sa colère.) Connaissez-vous d’autres objets similaires ?
— Quelques-uns. (Il haussa les épaules.) Une grande lance dans le palais impérial de Tamoul,
plusieurs bagues en Zémoch, mais sont-elles très utiles pour guérir ? J’en doute. On prétend qu’il existe
un bracelet quelque part en Pélosie, mais ce n’est peut-être qu’un mythe. L’épée du roi de l’île de
Mithrium était censée détenir un grand pouvoir, mais Mithrium a sombré dans les eaux il y a des siècles.
J’ai également entendu dire que les Styriques ont un certain nombre de baguettes magiques.
— Encore un mythe, lui apprit-elle. Le bois est trop fragile pour ce genre de pouvoir. Quoi d’autre ?
— Il y aurait aussi le Joyau de la couronne royale de Thalésie, mais elle est perdue depuis l’époque
de l’invasion zémoch. (Il fronça les sourcils.) Je ne pense pas que ceci puisse être très utile, ajouta-t-il,
mais Arasham possède un talisman qu’il prétend être l’objet le plus sacré et le plus puissant du monde.
Personnellement, je ne l’ai jamais vu ; je ne peux donc le confirmer, d’autant plus que l’esprit d’Arasham
n’est pas très fiable. Vous ne pourriez d’ailleurs le lui arracher.
Séphrénia remonta son voile sur la partie inférieure de son visage.
— Merci pour votre franchise, docteur Tandjin, dit-elle. Soyez assuré que nul n’apprendra de nous
votre secret. (Elle réfléchit un instant.) Je pense que vous devriez me mettre une attelle, ajouta-t-elle en
tendant le bras. Cela prouverait aux curieux que nous avions une raison légitime de vous rendre visite et
vous protégerait tout autant que nous.
— L’idée est excellente madame.
Tandjin prit quelques planchettes et une longue bande de tissu.
— Accepteriez-vous un bon conseil, Tandjin ? lui demanda Émouchet comme il commençait à
éclisser le bras de Séphrénia.
— Je vous écoute.
— Voilà. Si j’étais vous, je rassemblerais quelques affaires et je me rendrais à Zand. Son roi pourrait
vous protéger. Sortez de Dabour tant que vous le pouvez encore. Les fanatiques passent très facilement
des soupçons à la certitude et il ne vous servirait pas à grand-chose d’être déclaré innocent après avoir
brûlé sur le bûcher.
— Mais tout ce que je possède est ici.
— Je suis sûr que cela vous sera d’un grand réconfort quand vos orteils seront en train de griller.
— Vous pensez vraiment que je suis à ce point menacé ? demanda Tandjin d’une voix faible en levant
les yeux.
Émouchet acquiesça de la tête.
— Bien davantage. À mon avis, vous aurez eu de la chance si vous survivez toute une semaine en
restant à Dabour.
Le docteur se mit à trembler violemment au moment où Séphrénia glissait le bras dans son écharpe.
— Attendez une minute, dit-il comme ils se dirigeaient vers la porte. Et ça ? demanda-t-il en
désignant la fée qui voletait dans les airs près de la fenêtre.
— Oh. Pardon, j’ai failli l’oublier.
Elle marmonna quelques mots et fit un geste vague.
Le bourdon se remit à se cogner la tête contre la fenêtre.
Il faisait nuit quand ils sortirent de la boutique de l’apothicaire et débouchèrent sur la place déserte.
— Ce n’est pas grand-chose, dit Émouchet d’un ton dubitatif.
— C’est plus que nous n’avions auparavant. Du moins savons-nous comment guérir Ehlana. Il ne nous
reste plus qu’à trouver l’un de ces objets.