La trilogie des Joya..

arrivèrent dans les faubourgs de la ville vers midi le quatrième jour après leur départ. Quand le port
apparut, Émouchet rejoignit le curé en tête de colonne. Il tendit au brave homme une bourse remplie de
pièces.
— Nous vous laissons ici, annonça-t-il. Une affaire vient de monopoliser notre attention.
Le curé lui adressa un regard méditatif.
— Tout ceci n’était que subterfuge, n’est-ce pas, monseigneur ? demanda-t-il gravement. Je ne suis
peut-être qu’un pauvre prêtre d’une chapelle affligée de pauvreté, mais je connais les manières et le
comportement des chevaliers de l’Église.
— Pardonnez-nous bon curé, répondit Émouchet. Emmenez vos ouailles dans les lieux saints de
Madel. Faites-les prier et veillez à ce qu’elles soient bien nourries. Puis rentrez à Borrata et utilisez
comme bon vous semblera l’argent qui restera.
— Et pourrai-je faire ceci la conscience tranquille, mon fils ?
— Tout ce qu’il y a de plus tranquille, bon père. Mes amis et moi servons l’Église pour une affaire
grave et pressante et votre aide sera appréciée par les membres de la Hiérocratie de Chyrellos… par la
plupart, en tout cas. (Émouchet tourna bride et rejoignit ses compagnons.) Parfait, Bévier, conduis-nous à
ton chapitre.
— J’ai réfléchi, sire Émouchet, répondit Bévier. Notre chapitre est surveillé de près par les autorités
locales et toutes sortes d’autres gens. Même affublés ainsi, nous serions reconnus à coup sûr.
Émouchet poussa un grognement.
— Sans doute as-tu raison. Une autre possibilité ?
— Peut-être. Le hasard veut que j’aie un parent… un marquis d’Arcie orientale… qui possède une
villa dans la banlieue de la ville. Il y a des années que je ne l’ai vu… notre famille le rejette parce qu’il
fait du commerce… mais peut-être se souviendra-t-il de moi. C’est quelqu’un de sympathique et, si je
m’y prends bien, il pourra nous offrir l’hospitalité.
— Cela vaut sans doute la peine d’essayer. Parfait. Conduis-nous.
Ils contournèrent les faubourgs occidentaux pour arriver à une propriété opulente entourée d’un bas
mur de grès. La maison était plantée en retrait de la route et encadrée d’arbres à feuilles persistantes et de
pelouses soigneusement entretenues. Un cours au gravier bien ratissé s’étendait devant la maison et ce fut
là qu’ils mirent pied à terre. Un serviteur en livrée sobre sortit leur demander le but de leur visite.
— Aurais-tu l’amabilité d’avertir le marquis que son petit-cousin, sire Bévier, et quelques amis
aimeraient s’entretenir avec lui ? demanda poliment le cyrinique.
— Immédiatement, monseigneur.
Le serviteur fit demi-tour et rentra dans la maison.
L’homme qui émergea quelques instants plus tard était trapu et rubicond. Il portait l’une des robes en
soie colorées communes en Cammorie méridionale au lieu du pourpoint et des hauts-de-chausses arciens,
et il leur adressa un large sourire de bienvenue.
— Bévier fit-il en serrant chaleureusement la main de son cousin éloigné, quel bon vent t’amène en
Cammorie ?
— Je cherche refuge, Lycien, répondit Bévier. (Son visage juvénile s’assombrit.) Notre famille ne t’a
pas traité comme il se doit, Lycien. Je ne pourrais t’en vouloir si tu m’abandonnais avec mes amis.
— Absurde, Bévier. C’est moi qui ai choisi de faire du commerce. Je savais comment ils réagiraient.
Je suis enchanté de te revoir. Tu as parlé de chercher refuge ?
Bévier acquiesça de la tête.
— Nous sommes ici pour une affaire ecclésiastique délicate et trop d’yeux surveillent le chapitre
cyrinique de la ville. Je sais que c’est te demander beaucoup, mais pouvons-nous faire appel à ton
hospitalité ?
— Mais oui, mon garçon, mais oui. (Le marquis Lycien claqua sèchement les mains et plusieurs