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— Qu’ils restent assis. Les petites natures, incapables de me<br />

suivre… Et j’ai soixante-huit ans, madame, pas un jour de<br />

moins. Voici mon neveu il s’appelle Josiah. Je l’ai amené pour<br />

qu’il s’occupe de l’intendance, mais il n’est bon à rien. Il croit<br />

que je vais le rayer de mon testament s’il n’est pas gentil avec<br />

moi. Il ne sait pas que je l’ai déjà rayé. Quant à cette gourde, je<br />

l’ai engagée comme compagne, mais elle tient pas plus le coup.<br />

Cependant, une dame doit avoir un chaperon. Pourquoi me<br />

dévisage-t-il comme ça, ce garçon ! Vous ne lui avez pas appris<br />

les bonnes manières ?<br />

— Je me permets de dire, intervint Ramsès de son ton le plus<br />

pédant, que la plupart des gens oublieraient leur savoir-vivre<br />

s’ils étaient confrontés à quelqu’un d’allure aussi remarquable<br />

que la vôtre. Toutefois, je ne veux pas que ma maman soit<br />

accablée d’opprobre. Elle a essayé de corriger mon<br />

comportement, et si le résultat n’est pas ce qu’il devrait être,<br />

c’est ma faute, et non la sienne.<br />

Il fut difficile de juger l’effet de ce discours sur<br />

Mme Axhammer, car le voile rendait ses traits indistincts.<br />

Personnellement, je trouvai l’intervention de Ramsès plutôt<br />

réussie. Ramsès s’avança et tendit la main.<br />

— Puis-je vous escorter, madame ? s’enquit-il.<br />

La vieille dame brandit son ombrelle.<br />

— Va-t’en, va-t’en, jeune fripouille, je connais les garçons. Ils<br />

vous font des crocs-en-jambe et vous collent des araignées dans<br />

le dos, c’est ça, les garçons.<br />

— Madame, commença Ramsès, rassurez-vous, je n’avais<br />

nullement l’intention…<br />

— Mais comment pourrais-tu m’être d’une aide quelconque ?<br />

rétorqua la vieille dame avec irritation. Un petit bonhomme<br />

chétif comme toi… Allons, madame, je vais vous prendre le bras.<br />

Vous n’êtes pas grande, mais vous avez l’air forte.<br />

Elle me saisit par l’épaule. Elle portait de délicates mitaines<br />

de soie noire, mais sa main, aussi robuste que celle d’un<br />

homme, n’avait rien de délicat. Je lui permis cette liberté,<br />

cependant. La courtoisie envers les personnes âgées est une<br />

qualité que j’essaie d’inculquer à mon fils – et la dame serrait<br />

trop fort pour que je puisse déloger sa main facilement.<br />

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