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Anokhi

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fait impossible, et cela pour des raisons évidentes. On sait cela<br />

instinctivement ; on n’en discute pas ; on le perçoit comme un<br />

fait absolu : cela ne peut pas se produire. J’aurais pu<br />

questionner Bill sans cesse, en essayant d’établir la présence en<br />

lui de souvenirs connus seulement de Tim et de moi, mais cela<br />

n’aurait mené nulle part. Comme pour le dîner que nous avions<br />

pris ensemble au restaurant chinois d’University Avenue à<br />

Berkeley, toutes les données devenaient suspectes car il y a bien<br />

des façons pour ces données de surgir dans l’esprit humain, des<br />

façons plus facilement acceptables et expliquées que cette<br />

hypothèse : un homme est mort en Israël et sa psyché a flotté à<br />

travers le monde jusqu’à choisir, entre tous, le dénommé Bill<br />

Lundborg aux États-Unis, pour se plonger en lui, dans son<br />

cerveau en attente, et y établir résidence en crachotant des<br />

idées, des pensées et des souvenirs. Cela n’appartient pas au<br />

domaine du réel ; c’est l’invention d’un jeune homme dérangé<br />

qui s’affligeait du suicide de sa mère et de la mort subite d’une<br />

image du père, qui s’affligeait et qui essayait de comprendre, et<br />

un jour dans son esprit s’était présenté, non pas Timothy<br />

Archer, mais le concept de Timothy Archer, la notion que<br />

Timothy Archer était là, en lui, spirituellement, tel un fantôme.<br />

Il existe une différence entre la notion d’une chose et cette chose<br />

elle-même.<br />

Pourtant, à mesure que se dissipait ma colère du premier<br />

jour, j’éprouvais de la sympathie pour Bill car je comprenais<br />

pourquoi il avait emprunté cette voie ; il n’avait pas choisi<br />

délibérément, par perversité, cette folie ; non, c’était plutôt cette<br />

folie qui s’était imposée à lui : il y avait été soumis de force, qu’il<br />

le voulût ou non. La chose lui était arrivée, tout simplement.<br />

Bill Lundborg, le premier de nous à avoir été fou, était<br />

devenu maintenant le dernier de nous à être fou ; et la seule<br />

question qui se posait pouvait être énoncée ainsi : Pouvait-on<br />

faire quelque chose pour y remédier ? Ce qui soulevait une autre<br />

question plus en profondeur : devait-on faire quelque chose ?<br />

J’y ai réfléchi durant les deux semaines qui ont suivi. Bill (il<br />

me l’avait dit) n’avait pas d’amis véritables ; il vivait seul dans<br />

une chambre louée à East Oakland, en prenant ses repas dans<br />

un café mexicain. Peut-être, me disais-je, que je dois à Jeff,<br />

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