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précaution ce banal et inoffensif champignon qu’il avait<br />
ramassé. « Ceci est mon corps, a-t-il poursuivi, et ceci est mon<br />
sang. Mangez, buvez, et vous aurez la vie éternelle. »<br />
Je me suis penchée pour lui murmurer à l’oreille, afin que lui<br />
seul m’entende : « Je vais me battre pour vous remettre en état,<br />
Bill Lundborg. Pour que vous recommenciez à réparer des<br />
voitures, à peindre des carrosseries et à faire d’autres choses<br />
appartenant au domaine du réel ; je vous reverrai tel que vous<br />
étiez ; je n’abandonnerai pas. Vous allez retoucher terre. Vous<br />
m’entendez ? Vous comprenez ? »<br />
Bill, sans me regarder, a récité : « Je suis la vraie vigne, et<br />
mon Père est le vigneron. Chaque branche en moi qui ne porte<br />
pas de fruit, il la coupe, et chaque…<br />
— Non, ai-je insisté, vous êtes un homme qui peint des<br />
carrosseries et qui répare des moteurs, et j’arriverai à vous le<br />
remettre en mémoire. Le temps viendra pour vous de quitter cet<br />
hôpital ; je vous attendrai, Bill Lundborg. » Je l’ai alors<br />
embrassé sur la tempe ; d’un geste de la main, il a essuyé la<br />
trace de mon baiser, comme le fait un enfant, de manière<br />
absente, sans intention ni compréhension précise.<br />
« Je suis la Résurrection et la Vie, a-t-il déclaré.<br />
— On se reverra, Bill », ai-je dit avant de m’éloigner de lui.<br />
Lors de mon passage suivant au séminaire d’Edgar Barefoot,<br />
celui-ci a remarqué l’absence de Bill et, à l’issue de sa<br />
conférence, s’est enquis de lui auprès de moi.<br />
« Il est à nouveau hospitalisé, ai-je indiqué.<br />
— Venez avec moi. » Barefoot m’a conduite de la salle de<br />
conférences à son salon ; je n’y avais jamais pénétré et j’ai<br />
découvert avec surprise que ses goûts le portaient plus vers le<br />
chêne que vers l’oriental. Il a mis un disque de koto que j’ai<br />
identifié – c’est mon métier – comme étant une gravure rare de<br />
Kimio Eto sur World Pacific. Ce disque, pressé à la fin des<br />
années 50, a une certaine valeur aux yeux des collectionneurs.<br />
Barefoot a passé Midori no asa, qui est un air écrit par Eto luimême.<br />
C’est très beau mais ça n’a pas du tout l’air japonais.<br />
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