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— Il avait suivi une thérapie. Mais pas une thérapie<br />
intensive.<br />
— J’y ai réfléchi, déclara Bill. Il était furieux contre son père<br />
à cause de Kirsten. C’est la cause de beaucoup de choses. Vous<br />
savez, quand on est en hôpital psychiatrique, on connaît des tas<br />
de gens qui ont tenté de se suicider. On voit les cicatrices sur<br />
leurs poignets. C’est toujours à ça qu’on les reconnaît. La<br />
meilleure façon de s’y prendre, quand on veut le faire, c’est de<br />
remonter le bras dans le sens des veines. » Il me montra son<br />
bras nu en mimant le geste. « L’erreur de la plupart des gens,<br />
c’est de couper à angle droit par rapport aux veines, le long du<br />
poignet. Un jour on a eu un type qui s’était entaillé sur toute la<br />
largeur, et c’était profond. Mais ils sont quand même arrivés à le<br />
recoudre. Il a dit une fois en thérapie de groupe que tout ce qu’il<br />
voulait, c’était n’être plus que deux yeux sortant du mur, pour<br />
pouvoir regarder tout le monde sans être vu. Être simplement là<br />
en observateur, sans participer. Juste observer et écouter.<br />
Quoique pour ça il lui aurait fallu aussi être deux oreilles. »<br />
Je ne trouvai absolument rien à rétorquer.<br />
« Les paranoïaques ont peur qu’on les regarde, continua Bill.<br />
Alors, pour eux, ce serait formidable d’être invisibles. Il y avait<br />
aussi cette dame qui ne pouvait manger devant personne. Elle<br />
emportait toujours son plateau dans sa chambre. Je suppose<br />
qu’elle pensait que c’était sale de manger. » Il eut un sourire que<br />
je parvins à lui retourner.<br />
Quel moment étrange, pensai-je. Et cette conversation<br />
troublante, qui n’avait pas l’air à sa place.<br />
« Jeff était vraiment hostile, reprit Bill. Il en voulait à la fois<br />
à son père et à Kirsten, et peut-être aussi à vous, mais pas<br />
autant, je crois. Nous en avons parlé le jour où je suis passé le<br />
voir. J’ai oublié quand c’était. J’avais eu droit à une sortie de<br />
deux jours. Là aussi j’avais fait du stop. Ce n’est pas si dur que<br />
ça de se faire prendre en stop. C’est un poids lourd qui m’avait<br />
pris. Il transportait des produits chimiques, mais pas du genre<br />
toxique. S’ils transportent des matières toxiques ou<br />
inflammables, ils ne font pas monter les stoppeurs, parce que<br />
s’il y a un accident et que leur passager soit tué ou empoisonné,<br />
ça annule leur assurance. »<br />
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