L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
5.2 Les apprentissages croisés
Des échanges d’information et de savoir faire sont reconnus aussi bien par les cadres du PRODESUD
que par les comités des GDA. Il s’agit à la fois de savoirs reçus et de savoirs transmis qui concernent
trois dimensions :
- la dimension affective : nouvelles attitudes, sentiments positifs envers les autres
- la dimension cognitive : savoir empirique des populations, savoir technique des membres du
projet, savoir administratif et de gestion, nouvelles valeurs (organisation, reconnaissance de la
valeur du savoir de la population)
- la dimension conative : nouveaux types de comportement (écoute, nouvelles pratiques)
Les membres des comités de GDA reconnaissent avoir appris à travers les formations organisées, la
coopération avec les cadres du PRODESUD et l’accomplissement du rôle qui leur est imparti dans le
cadre du projet. Ils ont accédé à un nouveau savoir technique et de gestion. Ils ont appris à fonctionner
en groupe dans un cadre associatif et bénévole, à mobiliser la population, à diriger des réunions. « Les
grandes réunions de 1000 personnes ne nous font plus peur ! », affirme un membre du GDA d’Ouled
Chehida. Les plus anciens ont expérimenté l’arbitrage au sein de leur communauté, la négociation
avec l’administration, de même qu’ils se sont exercés à la patience et à la persévérance dans la
conduite des affaires avec cette dernière.
Pour eux le savoir transmis aux cadres du projet est multiple : « on leur a appris la connaissance des
sols, des plantes, leurs noms et ce à quoi elles servent » ; « comment lutter contre le chiendent et
l’érosion, la nature du sol convenable ou non, les maladies du bétail, toutes ces choses que nous
vivons, nous avons un savoir utile pour tout le ministère ! » ; « la nécessité de se déplacer sur le
terrain, d’étude du cas par cas (travaux CES, Gabions…), d’écouter notre voix et celle du paysan.»
Les cadres du PRODESUD déclarent avoir reçu un savoir, changé des attitudes et découvert les vertus
des populations avec lesquelles ils conduisent les projets. Cette population que l’on « aime »
désormais, a été capable de faire émerger « des gens ordinaires avec qui on peut construire ce qu’on
veut », elle exige la sincérité : « Plus on est sincère plus il y a de résultats ق��ﻟا ا���ﻳ سﺎ�ﻟا ». La
population a transmis aux cadres du projet un savoir concernant le milieu naturel mais aussi le milieu
social. La mise en œuvre du projet a aussi permis de découvrir le fonctionnement social et politique
des communautés : «percevoir les pactes discrets, les pactes déclarés ». Dans leur effort d’adaptation,
les cadres du projet déclarent eux aussi, comme les comités des GDA, avoir appris la patience.
Mais, ni pour les uns ni pour les autres, il ne s’agit d’une patience passive, car des initiatives ont été
prises à certains niveaux pour dépasser les lenteurs et les inerties.
5.3 Les initiatives innovantes
Au niveau de la direction du PRODESUD, les initiatives relèvent de méthodes et d’outils susceptibles
d’améliorer ou d’accélérer le processus d’implémentation du projet (études de projets bancables,
signatures de conventions avec des structures en place (UNEFT en particulier), négociation des
demandes de la population avec certaines structures comme c’est le cas avec la BTS qui a finalement
admis d’accorder des prêts pour des projets d’engraissement d’ovins…).
Au niveau des GDA les initiatives varient avec les problématiques et le profil des membres des
comités des GDA. Essmar et Guermassa ont demandé et obtenu une subvention du PNUD pour des
projets de valorisation et de protection de la nature. Ouled Chehida qui doivent gérer une communauté
fractionnée en 20 « Lahmet » et pour contourner les textes qui n’autorisent pas plus de 6 membres
constituants du comité de gestion du GDA, ont créé successivement trois structures pour évacuer les
conflits et pour exploiter le capital humain et social disponible dans la communauté : le comité des
conseillers groupant 30 membres, puis le comité des sages groupant ceux qui ont une formation et
enfin le comité des structures réunissant ceux qui ont des responsabilités politiques ou administratives.
La constitution de tels organes semble guidée par deux soucis liés à l’efficacité du GDA : assurer une
représentativité plus complète, disposer de relais auprès de la population des différentes fractions, tirer
Chapitre IV. Processus décisionnels décentralisés et leadership 111