L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
2.1 L’engagement des populations requiert une autonomie de décision
L’application de la politique tunisienne de gestion des parcours collectifs engendre ou révèle un
certain nombre de tensions autour de problèmes concrets comme le respect des mises en défens,
l’opportunité de compenser financièrement les éleveurs pendant la période de régénération des
parcours, ou encore la résolution des litiges entre usagers du parcours. Les options institutionnelles
adoptées telles que la soumission des parcours collectifs au régime forestier, n’ont généralement pas
réussi à enrayer les tendances lourdes de dégradation du milieu naturel. Lorsqu’elles ont privilégié la
dévolution de la gestion des ressources naturelles aux usagers, ces politiques ont buté sur la question
de la viabilité des organisations paysannes de base et de l’insuffisance des programmes sensés les
renforcer. De fait, la centralisation reste forte notamment au niveau budgétaire tandis que les
approches participatives restent largement confinées aux projets et sont peu absorbées par
l’administration. En définitive, le caractère peu représentatif du leadership des organisations de base et
les tutelles envahissantes des administrations techniques et territoriales qui ont du mal à se désengager
réellement, expliquent en grande partie le faible engagement des populations sur les objectifs
environnementaux.
Le modèle tunisien, malgré des succès remarquables, n’a pas donc pas encore de réponse satisfaisante
au problème de l’engagement des acteurs locaux lequel constitue la clé de voûte du développement
durable et équitable. Au centre de la réflexion sur l’autonomisation, la recherche s'est proposée de
poser le concept d’agent ou d’acteur, qu’il soit individuel ou collectif, considéré comme un système
ouvert de prise de décision, doté d’une capacité de poursuivre des objectifs qu’il se donne en
conformité avec ses valeurs propres dans un espace de choix possibles ou accessibles. Ces choix sont
partiellement déterminés par les règles qui régissent les interactions entre acteurs dans un champ
d’action donné. Ces règles ou institutions définissent le cadre incitatif des acteurs locaux du
développement. On suppose en outre que les comportements ou décisions de l’acteur expriment un
certain degré de rationalité (bounded rationality) dans les limites de ses capacités de perception et de
l’information disponible.
L’engagement de la population suppose au préalable qu'une collectivité rurale en tant que groupe
social opérant sur un espace auquel elle s'identifie, soit reconnue comme un acteur à part entière et se
perçoive comme tel. L’engagement suppose en outre que l’acteur soit en situation de pouvoir choisir.
L’autonomisation est ainsi définie comme une expansion des possibilités de choix d’un agent
(individu ou collectivité) ou encore une capacité accrue de transformer des ressources en résultats.
L’autonomie d’un acteur fait qu’il est un agent du changement et non un simple bénéficiaire ou une
victime de ce changement 5
2.2 Contraintes culturelles et institutionnelles à l’autonomisation
Qui est acteur et qui ne l’est pas dans la campagne tunisienne ? Les organisations de base
formelles comme les GDA ? Les Conseils de Gestion des terres collectives ? Les Conseils locaux et
régionaux de développement ? Les administrations de tutelle ? Les décideurs nationaux ? Les cellules
locales du parti au pouvoir ? La réponse à ces questions est loin d'être neutre. Elle se rattache en effet à
l'identification des contraintes à l’expansion des choix des acteurs locaux, notamment les contraintes
liées aux politiques et au cadre institutionnel, et aux approches de développement. Si les politiques de
l’État affichent une volonté relativement récente de responsabiliser les populations rurales vis-à-vis de
leur propre développement, il n’en demeure pas moins que les collectivités rurales traditionnelles
restent soumises depuis près d’un siècle à de multiples tutelles de l’État. Elles ne peuvent en
particulier pas décider seules de l’usage des terres dont elles sont propriétaires. Les tutelles sur les
5 K. El Harizi: un modèle théorique d’autonomisation. Document provisoire, IFPRI Washington, Dec.
2003
Chapitre I.Introduction, cadre conceptuel et questionnements 15