L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
rurales et un affranchissement des tutelles économiques et politiques ? On peut constater dans le cas
du PRODESUD qu’un pas a été franchi lors de la conception du projet puisqu’on passe d’une identité
non reconnue par la puissance publique à une reconnaissance de fait mais aussi que celle-ci est
tronquée et canalisée dans des structures organisationnelles contrôlées par l’État. Par ailleurs, le fait
que la conception de ce projet ait réservé un espace important à l’initiative locale et que l’on y ait
affecté une grande part du budget crée une opportunité et un enjeu pour les forces en présence. On a
donc tenté, dans cette recherche, de savoir qui s’était approprié de fait ces structures et par quel
processus ou moyen.
Comment changer de culture administrative ? Comment adapter le CRDA à son nouveau rôle ? Quel
système d’incitation serait susceptible d’y contribuer ou au contraire de l’inhiber ? Faut-il transformer
les CRDA en agences de développement autonomes ? Comment ouvrir les mécanismes décisionnels
pour qu’un éventail plus large de parties prenantes, y compris les populations rurales défavorisées,
puisse véritablement participer à l’élaboration des politiques qui les concernent ? Qu’en pensent les
décideurs ?
La recherche que l'on s'est proposé de conduire apporte de premières réponses aux questions
précédentes (voir notamment, l'analyse des politiques actuelles en matière de développement des
parcours collectifs). Au delà de ces analyses sur les politiques passées ou actuelles, peut-on envisager
d’autres options pour le futur? Faut-il renforcer l’autonomie du collectif des ayants droit indivis sur
les terres collectives? Faut-il simplement aménager la tutelle pour la faire évoluer vers une cogestion
? Autant d’options de politique qui toutes comprennent une dose de dévolution du pouvoir de
l’État vers la société civile ou le secteur privé, et qui toutes se traduisent par une redéfinition des rôles
respectifs des acteurs locaux et institutionnels. Que pensent les ayants droits et usagers des parcours de
la dévolution dans ces diverses formes ? Leurs leaders ? Les décideurs? L’autorité de tutelle ?
2.4 L’innovation modernisatrice appelle une autre gestion du droit dans la
société
Quelle vision pourrait synthétiser les différentes perspectives et stratégies d’autonomisation et serait
en conséquence susceptible d’obtenir le maximum d’adhésion des forces en présence ? Seule une
vision unifiée qui n’exclut aucune perspective légitime pourrait offrir quelque garantie que les lois et
réglementations qui pourraient résulter d’une nouvelle politique de dévolution seraient effectivement
appliquées. D’où la nécessité de s’interroger sur l’efficacité des instruments qui sont mis en œuvre
pour soutenir le développement et élaborer et mettre en pratique de telles visions. On s'interroge tout
particulièrement sur le rôle de cet instrument que constitue un projet de développement rural intégré à
financement extérieur. C'est dans une telle perspective que l'on s'est demandé ce que représentait au
juste un projet comme le PRODESUD ? Peut-on y voir le support institutionnel au service d’une
entreprise collective de transformation économique et sociale ou un enjeu pour les forces en présence?
Les difficultés de mise en œuvre de projets innovateurs et de reformes institutionnelles renvoient non
seulement à la nécessité d’ouvrir les mécanismes décisionnels aux nouveaux acteurs locaux mais aussi
à une question plus générale du statut et de la gestion du droit dans la société dont on ne saurait faire
l’économie sans risque pour l’efficacité et la faisabilité des stratégies de développement. En Tunisie
comme dans les autres pays du Maghreb, l’application des lois pose problème. D’une part il existe un
système de production de la loi et une gestion de sa mise en œuvre qui donne au pouvoir exécutif la
suprématie sur les pouvoirs législatif et judiciaire. D’autre part les mécanismes qui devraient assurer le
respect de la loi et son exécution ne sont pas efficaces ou n’existent pas (administration de la justice ;
liberté d’opinion et d’expression ; pluralisme politique). Dans ces conditions, on comprend que la
transition vers l’état de droit n’est pas un problème purement juridique mais concerne l’ensemble de la
société : pluralisme politique ; liberté d’expression ; crédibilité de la justice ; égalité des citoyens
devant la loi ; soumission de l’exécutif a la loi etc. La question de l’application des lois et des
réglementations apparaît ainsi être un lieu de convergence privilégié des problématiques de
Chapitre I.Introduction, cadre conceptuel et questionnements 17