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L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

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Autonomisation <strong>des</strong> Ruraux Pauvres <strong>et</strong> Vo<strong>la</strong>tilité <strong>des</strong> Politiques de Développem<strong>en</strong>t <strong>en</strong> Tunisie<br />

Rapport de Synthèse, Mai 2006<br />

d'imputer <strong>la</strong> responsabilité <strong>des</strong> évènem<strong>en</strong>ts à une personne déterminée <strong>et</strong> de dégager <strong>des</strong> décisions<br />

c<strong>la</strong>ires <strong>et</strong> tranchées afin de résoudre les problèmes qui se pos<strong>en</strong>t.<br />

Le flou a un eff<strong>et</strong> double: le r<strong>en</strong>forcem<strong>en</strong>t du pouvoir de celui qui le déti<strong>en</strong>t car <strong>en</strong> l'abs<strong>en</strong>ce de règles<br />

il peut user de son arbitraire, <strong>et</strong> <strong>en</strong> même temps, l'exercice de l'autorité "rationnelle" est r<strong>en</strong>du plus<br />

difficile <strong>en</strong> l'abs<strong>en</strong>ce de règles précises <strong>et</strong> contraignantes pour tous les acteurs sociaux 15 . Le modèle<br />

bureaucratique pour l'exercice du pouvoir dans l'organisation tunisi<strong>en</strong>ne est donc incompatible avec le<br />

soubassem<strong>en</strong>t culturel <strong>des</strong> membres de l'organisation. Par conséqu<strong>en</strong>t ce n’est pas le modèle idéal<br />

pour assurer l’efficacité.<br />

Si l'on adopte le paradigme weberi<strong>en</strong> de l’autorité, il faudra id<strong>en</strong>tifier les sources de légitimation du<br />

pouvoir particulières à un contexte culturel donné pour concevoir une forme adaptée de coordination<br />

<strong>des</strong> tâches. Mais le sociologique ne devrait pas occulter le fait que l'individu est un être autonome <strong>et</strong><br />

dispose toujours d’une marge de liberté si minime soit-elle, même sous le joug du pouvoir le plus<br />

absolu.<br />

C’est ce que Crozier <strong>et</strong> Friedberg ont démontré <strong>en</strong> arguant que les individus dispos<strong>en</strong>t d’un pouvoir<br />

stratégique dans un espace organisationnel qui est bi<strong>en</strong> loin de l'image ordonnée, stable <strong>et</strong> coordonnée<br />

"mécaniquem<strong>en</strong>t" par une autorité c<strong>en</strong>trale. "…même dans les situations les plus extrêmes, l'homme<br />

garde toujours un minimum de liberté <strong>et</strong> qu'il ne peut s'empêcher d'utiliser pour battre le système" 16 .<br />

La conduite de l'individu face à <strong>la</strong> hiérarchie n'est pas pure obéissance mais plutôt le résultat de <strong>la</strong><br />

négociation de sa volonté d’agir car il dispose, lui aussi, de ressources de pouvoir (notamm<strong>en</strong>t <strong>la</strong><br />

possibilité de se coaliser avec ses collègues <strong>et</strong> de mobiliser leur solidarité, sa capacité de nouer <strong>des</strong><br />

re<strong>la</strong>tions hors de l'organisation…)<br />

L'homme n'est pas seulem<strong>en</strong>t une main qui travaille, un cœur à <strong>la</strong> recherche de satisfaction de besoins<br />

sociaux, mais aussi "<strong>et</strong> avant tout une tête, c'est à dire une liberté, ou <strong>en</strong> termes plus concr<strong>et</strong>s, un ag<strong>en</strong>t<br />

autonome qui est capable de calcul <strong>et</strong> de manipu<strong>la</strong>tion <strong>et</strong> qui s'adapte <strong>et</strong> inv<strong>en</strong>te <strong>en</strong> fonction <strong>des</strong><br />

circonstances <strong>et</strong> <strong>des</strong> mouvem<strong>en</strong>ts de ses part<strong>en</strong>aires." 17<br />

Partant de là, ce qui paraît fondam<strong>en</strong>tal dans le concept de pouvoir c'est son aspect re<strong>la</strong>tionnel, <strong>la</strong><br />

possibilité qu'un individu a d'agir sur d'autres individus ou groupes d'individus. Les pouvoir est alors<br />

selon Crozier <strong>et</strong> Friedberg : une re<strong>la</strong>tion <strong>et</strong> non un attribut ; une re<strong>la</strong>tion d'échange, donc de<br />

négociation ; une re<strong>la</strong>tion instrum<strong>en</strong>tale (le pouvoir ne se conçoit que dans <strong>la</strong> perspective d'un but) ;<br />

une re<strong>la</strong>tion non transitive (si A peut obt<strong>en</strong>ir une action de B <strong>et</strong> si B peut obt<strong>en</strong>ir une action de C, ce<strong>la</strong><br />

n'implique pas que A peut obt<strong>en</strong>ir c<strong>et</strong>te même action de C)<br />

C'est une re<strong>la</strong>tion réciproque mais déséquilibrée, un rapport de force dont l'un peut r<strong>et</strong>irer davantage<br />

que l'autre, mais où, égalem<strong>en</strong>t l'un n'est jamais totalem<strong>en</strong>t démuni face à l'autre.<br />

Si l’on conçoit ainsi le pouvoir, <strong>la</strong> source qui le nourrit <strong>et</strong> le fonde, réside dans <strong>la</strong> marge de liberté<br />

dont dispose l'individu <strong>et</strong>, plus précisém<strong>en</strong>t, dans les zones d'incertitude qu'il contrôle <strong>et</strong> qui lui<br />

donn<strong>en</strong>t <strong>la</strong> possibilité de r<strong>en</strong>dre son comportem<strong>en</strong>t imprévisible pour ses part<strong>en</strong>aires. Plus les<br />

ressources à <strong>la</strong> disposition d'un individu lui perm<strong>et</strong>tront de garder son comportem<strong>en</strong>t futur<br />

imprévisible, plus le rapport de force qui prévaudra lui sera favorable. "Le pouvoir réside donc dans <strong>la</strong><br />

marge de liberté dont dispose chacun <strong>des</strong> part<strong>en</strong>aires <strong>en</strong>gagés dans une re<strong>la</strong>tion de pouvoir, c'est à<br />

dire dans sa possibilité plus ou moins grande de refuser ce que l'autre lui demande" 18 .<br />

15 R. Zghal (1994) La culture de <strong>la</strong> dignité <strong>et</strong> le flou de l'organisation, CERP Tunis<br />

(1996) "Culture <strong>et</strong> pouvoir dans l’organisation tunisi<strong>en</strong>ne", Revue Cultures <strong>et</strong> Développem<strong>en</strong>t n°2 spécial ‘Gestion<br />

<strong>des</strong> <strong>en</strong>treprises <strong>et</strong> cultures africaines’, Bruxelles<br />

16 Crozier & Friedberg (1977) L'acteur <strong>et</strong> le système, éditions du seuil p.36<br />

17 id. p.38<br />

18 id. p.60<br />

Chapitre IV. Processus décisionnels déc<strong>en</strong>tralisés <strong>et</strong> leadership 88

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