L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
Une histoire de la notion de personne selon I. Meyerson
Meyerson, en fondant la psychologie historique, a inventé un domaine de recherche spécifique :
l’évolution des fonctions du psychisme humain. A l’encontre d’une idée reçue selon laquelle le moi, la
conscience de soi, l’idée d’être une personne, seraient donnés de façon directe, immédiate et primitive,
l’auteur établit que ces notions sont construites, complexes, tardives, et qu’elles ont une histoire. Il est
possible d’en constituer des approches en examinant des recueils de faits sociaux, linguistiques,
religieux, moraux.
De cet aperçu historique, que nous ne pouvons détailler ici, nous retenons particulièrement trois points
critiques stimulant la réflexion :
• L’autonomie du sujet individuel est solidaire des processus sociaux favorables à
l’individuation, dont résulte l’individualisme contemporain ;
• L’autonomie est instable. Elle se constitue dans une tension entre des processus d’imitation,
de dispersion, sous l’effet des contraintes extérieures et un mouvement de reprise en soi, pour
élaborer une cohérence personnelle à travers les rôles assumés et les changements consentis.
Elle comporte des moments forts et privilégiés, où le sujet est au principe d’un
commencement. Mais elle peut régresser, disparaître dans des situations aliénantes mal
maîtrisées. L’acquisition de l’autonomie individuelle n’est pas garantie définitivement, de
même que le concept en est encore à un stade d’élaboration inachevée ;
• Marcel Gauchet (1988) *** analyse l’émergence d’un « hyper individualisme » contemporain
qu’il caractérise par la perte d’une relation positive à une précédence sociale et culturelle.
Cette forme d’individualisme produit une régression des aptitudes à l’autonomie personnelle
en dégradant le principe des relations aux autres.
Construction de l’autonomie et subjectivité individuelle
L’autonomie individuelle est un changement d’altérité. De même que les sociétés ont compris leur
autonomie collective bien avant de pouvoir accéder à celui de l’autonomie. Le sujet commence sa vie
sous la loi d’un autre que lui-même. Lois, normes, valeurs, idéaux le précèdent. A l’extérieur de lui, la
réalité sociale impose ses organisations. A l’intérieur de lui, ses premières instances psychiques
donnent aux attachements qui le font vivre la forme et la signification d’un assujettissement nécessaire
et désirable. Un autre qui précède, est intériorisé comme Surmoi et comme Idéal du Moi. Le Moi y
trouve ses règles, ou croit les trouver. L’autonomisation impliquera donc un déplacement du sujet par
rapport à ce qu’il a primitivement intériorisé de l’autre, déjà là, précèdent.
La croisée des autonomies collectives et individuelles
On l’a vu, l’autonomie collective précède, de loin, l’autonomie individuelle. C’est pourquoi, dans
l’opinion, un individu est réputé libre et autonome dès lors qu’il appartient à un corps social qui s’est
acquis les conditions de son autonomie. Cependant, la connaissance plus tardivement acquise et
encore inachevée, des conditions qui permettent à un individu de passer d’un régime hétéronomique
qui, d’abord, lui est indispensable et primordial, à celui psychiquement plus coûteux de l’autonomie
politique d’un corps social et l’autonomie psychique de ses membres indique la direction de marche de
notre civilisation.
La psychosociologie, à sa naissance, introduit l’autonomie des acteurs dans les données relatives au
fonctionnement de l’organisation. Elle est née de l’intuition que les crises modernes ont besoin d’être
analysées en termes de rapports conflictuels entre, d’une part, des logiques d’organisation visant
*** Gauchet, M. 1998. « Essai de psychologie contemporaine. Un nouvel âge de la personnalité », Le
Débat.
Chapitre III. Analyse et mesure des états des agents individuels et leurs rapports avec l’autonomisation 37