L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
De telles orientations se heurtent en outre aux attitudes négatives de la population déjà conditionnée
par le colonialisme puis par le collectivisme à outrance des années 60. Celle-ci a acquis des réflexes de
défense et a encore peur de se prendre en charge. Certaines conditions pourraient cependant favoriser
l’autonomisation des structures de base :
- La population locale devrait faire une sorte d’apprentissage : développer de l’intérieur une
capacité de négocier tout ce qui se rapporte à ses intérêts, sans tomber dans les revendications
anarchistes. Il s’agirait ainsi d’apprendre à dire son avis sans peur et sans arrogance et donc
apprendre à accepter et à respecter les avis différents. La relation top-down en sa défaveur
pourrait ainsi se transformer en une relation de participation avec les autorités.
- L’autorité devrait faire elle aussi une autre sorte d’apprentissage : devenir plus perméable aux
critiques constructives et aux avis contraires aux siens. La relation top-down en sa faveur
devrait alors basculer petit à petit vers une relation « horizontale » de partenariat avec les
structures de base. Pour ce faire, elle devrait être assurée que l’autre partie n’est pas intéressée
par le pouvoir en tant que tel.
Il s'agit là cependant d'un processus de longue haleine où les deux parties devront apprendre de
nouveaux réflexes et développer de nouvelles attitudes et désapprendre les anciens réflexes et se
décharger des anciennes attitudes.
7.4 Pour des scénarios évolutifs
Pour terminer cet examen des politiques pastorales dans leur rapport avec l'autonomisation, on s'est
proposé d'examiner certains scénarios de l’évolution possible du problème pastoral.
• La tendance actuelle : cette démarche est lente et prudente. Elle favorise un ancrage des
principes de la démocratisation-autonomisation par l’amélioration progressive de
l’environnement politique, social, éducationnel, matériel, etc. Les élections primaires, qui
ont eu lieu en 2005 (dans le cadre de la préparation des élections municipales du 8 mai)
pour la première fois dans la vie du parti politique au pouvoir, de même que le
foisonnement des associations de développement, culturelles et autres (qui sont passées de
500 avant 1987 à plus de 7 000 maintenant), illustrent bien cette prise de position vers
l’ouverture et la responsabilisation de la base. On peut certes lui reprocher qu’elle émane
de la volonté très louable du « leader » et risque de ne pas devenir irréversible si cette
volonté venait à disparaître. Néanmoins, la création d’associations d’éleveurs (ovins,
caprins, etc.) par l’OEP, qui a accompagné ces dernières dans ce processus sans dicter son
propre point de vue mais dans le respect de la législation existante, peut devenir un
exemple à méditer : ces associations ont en effet été dotées de prérogatives qui les rendent
utiles et incontournables aux yeux des éleveurs, qui voient en elles la référence à laquelle
s’adresser pour résoudre leurs problèmes.
• L’autonomie effrénée : On peut imaginer cette tendance, dans le seul but d’aiguiser la
discussion et d’envisager l’éventail des possibles. Imaginons donc que les mentalités
changent d’un extrême à l’autre, de la situation figée actuelle à une démocratisation
débridée dans un avenir immédiat. Les mentalités et les réflexes étant difficiles à corriger
sans un apprentissage lent et pénible - dont les résultats ne sont d’ailleurs pas garantis -,
nous verrions probablement alors surgir des dérapages de tout bord et des contradictions
inconciliables, entre les vœux des structures de base, centrées sur la culture
arabomusulmane, qui fonctionneraient sans retenue, et les autorités qui devraient par
contre tenir compte des conditions internationales et des forces sur la scène mondiale. Ce
scénario reste toutefois peu probable en Tunisie.
• La « municipalisation » des espaces pastoraux : Le but d’une telle démarche serait de
créer, dans les espaces pastoraux, des « municipalités » ayant des caractéristiques
d’autonomisation bien évidentes, à l’instar des municipalités de type urbain : le pouvoir
Chapitre II. Les Politiques de l’État et l’Autonomisation : le cas des politiques pastorales 34