L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
Cette deuxième stratégie devrait permettre de fournir 200 millions d’unités fourragères (UF)
complémentaires (200 000 tonnes d’équivalent orge), susceptibles de produire 10 000 tonnes de
viande rouge. Elle devrait par ailleurs générer 6,5 millions de journées de travail et insuffler une
dynamique de création de petites entreprises. En outre, 300 000 hectares supplémentaires devraient
être introduits dans le cycle d’exploitation des parcours, grâce à l’ouverture de nouvelles pistes, à la
réalisation de nouveaux puits et forages et à l’installation de nouvelles infrastructures d’appui
(abreuvoirs).
Si ces perspectives signalent un effort remarquable, on ne peut néanmoins en occulter les carences, ce
programme excluant presque toutes les terres collectives, et donc le Centre et surtout le Sud. On sait
pourtant aujourd’hui que des techniques appropriées telles que les mises en repos, les scarifiages ou
les resemis, pourraient s’avérer très efficaces, mais celles-ci impliquent une gestion collective dont les
décideurs craignent sans doute qu’elle ne soit pas encore bien maîtrisée, ce qui expliquerait leur
réticence. En parallèle, les éleveurs, qui devraient constituer la cible de toutes ces améliorations, n’ont
pas été considérés comme l’élément central de cette dynamique de développement.
L’amélioration des parcours se heurte à un certain nombre de problèmes de tous ordres : les mauvaises
terres, l’absence fréquente de points d’eau, l’accès malaisé aux semences pastorales, l’encadrement
insuffisant, la difficulté d’obtenir des financements étrangers en matière de parcours, le faible intérêt
des privés, presque exclusivement motivés par le système de subvention-compensation, la faiblesse
des organisations socioprofessionnelles, l’effritement des pouvoirs traditionnels et le manque de
relève, la non implication des populations cibles dans les processus, le désir d’appropriation très fort,
la discorde entre ayant droits et usagers, le choix stratégique de l’État en faveur de l’arboriculture pour
la modernisation, l’insuffisance des fonds alloués, la politique de sauvegarde du cheptel menant au
surpâturage, la disparition progressive du métier de berger et de chamelier, le manque de résultats de
recherche applicables, l’absence de système de suivi-évaluation…
Sur la base de l’évaluation effectuée pour la décennie 1990-1999, l’État a cependant pris les décisions
suivantes afin de faire face à ces difficultés :
- élaboration d’études approfondies pour les grands périmètres pastoraux à Dhahar et El Ouara,
afin de mieux cerner les problèmes socio-institutionnels ;
- élaboration de cartes agricoles visant à délimiter les terres à vocation pastorale ;
- promulgation des lois relatives à la création des GDA ;
- consolidation du programme d’infrastructure hydraulique pastorale ;
- mise en œuvre d’un plan de sauvegarde du cheptel ;
- lancement d’une étude sur la gestion de la sécheresse.
7. ENSEIGNEMENTS DE L’EXPERIENCE TUNISIENNE
La problématique de l’aménagement et de la gestion des parcours est complexe et diversifiée. Elle
touche aussi bien les questions d’orientation technique que celles liées à la durabilité des ressources
pastorales et à la gestion collective des biens communs - et donc aux modalités et au rôle de la
population dans cette dernière. Ainsi, la politique nationale ne se trouve pas exempte de paradoxes : si
elle entend d’une part protéger l’environnement et rationaliser l’utilisation des ressources naturelles,
elle continue d’autre part à attribuer les terres collectives et à fermer les yeux sur l’utilisation illégale
de la charrue polydisque ; si elle vante les mérites des organisations et des associations
professionnelles, elle ne se montre pas encore prête à leur attribuer les pouvoirs nécessaires. Et la
population cible elle-même oscille entre une volonté de plus grande autonomie et l’habitude de voir
l’État agir en son nom.
Chapitre II. Les Politiques de l’État et l’Autonomisation : le cas des politiques pastorales 31