L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
CHAPITRE V
REFLEXIONS D'ENSEMBLE, ENSEIGNEMENTS
ET PISTES DE RECHERCHE
Comme on l'a indiqué dans l'introduction de ce rapport, la question de fond de la recherche conduite
en Tunisie, est une question à deux étages étroitement liés. Le premier étage interpelle le
questionnement que se font tous les développeurs engagés dans l'action contemporaine, à savoir,
comment développer l’autonomie des populations rurales afin que celles-ci puissent prendre en main
leur développement? Le second interpelle, par contre, une praxis sociale plus immédiatement concrète.
Partant, en effet, de la notion d'agent et d'un modèle théorique sur les comportements et attitudes des
agents vis-à-vis de l'autonomisation, on se demande jusqu'où et comment on peut identifier et mesurer
l'engagement effectif et potentiel de ces agents dans un processus de responsabilisation et de
participation aux décisions - et, tout particulièrement, dans les décisions concernant l'environnement et
la gestion des ressources naturelles. L'autonomisation est, dans la perspective de ce questionnement,
définie comme une expansion des possibilités de choix d’un agent (individu ou collectivité) ou encore
comme une capacité accrue de transformer des ressources en résultats. L’autonomie d’un acteur fait
qu’il devient un agent du changement et non simple bénéficiaire ou une victime de ce changement.
La recherche engagée dans le Sud Est pastoral de la Tunisie s'est proposée d'explorer les
manifestations des processus d'autonomisation des agents dans un contexte particulier car marqué, à la
fois, par l'importance de la ressource constituée par les parcours naturels et par l'action catalytique d'un
projet de développement participatif, le PRODESUD. La confrontation de facteurs relativement
rigides (car liés à l'écosystème et aux héritages sociaux qui y sont attachés) et des apports d'innovation
d'un projet, jugés positifs ou négatifs, constitue l'un de ces socles que les théoriciens du changement
social se plaisent à choisir pour leurs études du fait des exacerbations qu'ils provoquent et des champs
privilégiés qu'ils offrent à l'analyse sociale. Ce cas de figure, s'il est spécifique, n'en est pas moins
généralisable en raison de l'importance que les projets de développement jouent dans le changement
social dans de multiples régions du monde, tout particulièrement lorsque ces projets s'insèrent dans des
stratégies de lutte contre la pauvreté.
La compréhension des processus d'autonomisation implique fondamentalement celle des stratégies et
des comportements des agents qu'ils impliquent. L'évidence des analyses sociales les plus simples,
nous rappelle que ces agents se situent dans des logiques plurielles, influencées, sous des formes
extrêmement diversifiées, par les attitudes et comportements, souvent contradictoires, vis-à-vis de la
ressources naturelle, des héritages sociaux, du contexte institutionnel, des innovations introduites par
le projet de développement. La détermination la plus forte et la plus immédiate est celle qui confronte
les agents à leurs objectifs propres. Ainsi, lorsque l'on se situe au niveau des agents individuels, il est
facile de constater qu'ils projettent d'abord leur existence en termes d'aspirations et d'accomplissement
personnel ou familial. Par contre, ils n'ont pas nécessairement les mêmes perceptions lorsqu'ils se
situent dans leurs aires respectives de sociabilité collective. Les mêmes décalages se retrouvent
lorsque les individus confrontent leurs différences à des formes nouvelles d'organisation, comme
celles proposées par un projet, ou encore aux formes diversifiées d'action et d'emprise des agents de
l'administration. L'administration est en principe là pour exercer un service public pour le bien des
individus. L'expérience montre cependant que d'autres priorités, dont celles du pouvoir, dénaturent
souvent la fonction de service public et séparent trop souvent l'État de la société civile. Ces évidences
montrent, s'il en était besoin, l'impérieuse nécessité d'une approche de l'autonomisation resituée dans
la logique plurielle des divers agents impliqués.
Au terme de l'analyse que l'on vient d'effectuer des résultats de la recherche conduite dans l'aire
d'action du PRODESUD, le Sud Est pastoral de la Tunisie, quel bilan peut-on faire de ces résultats,
quels grands enseignements peut-on en tirer, quelles pistes de recherche peut-on explorer pour
approfondir la recherche et améliorer ses instruments d'analyse et d'évaluation? On s'est proposé de
regrouper ces constats et réflexions dans les quelques thématiques qui suivent:
Chapitre V. Réflexions d’ensemble, enseignements et pistes de recherche 125