L'autonomisation des ruraux pauvres et la volatilité des politiques en ...

Autonomisation des Ruraux Pauvres et Volatilité des Politiques de Développement en Tunisie
Rapport de Synthèse, Mai 2006
le financement c’est la rentabilité et pour l’eau c’est la disponibilité. Pour l’objet attitudinal
administration c’est la proximité et enfin pour les organisations à la base c’est le miyâad. Ces
différentes dimensions constituent les nœuds sur lesquels on pourrait agir pour améliorer l’autonomie
des individus, à la fois vis-à-vis de ces objets attitudinaux et, plus globalement, sur leur autonomie
perçue.
Parmi les leçons importantes, on doit noter les différences entre les attitudes individuelles et celles que
l'on peut percevoir lorsque l'analyse est conduite au niveau des groupes et de leurs leaders (voir
chapitres 3 et 4). C'est ainsi, par exemple, que le projet PRODESUD est le principal objet attitudinal
dans le cadre de l'approche collective alors qu'il n'a pas beaucoup d'effets lorsque l'on se situe à
l'échelle individuelle. Les mêmes remarques peuvent être faites pour les GDA, ce qui n’est pas
surprenant étant donné la genèse et la jeunesse des groupements. En revanche, les structures anciennes
et proches, le miyâad et le 'omda, sont perçus d'emblée par les individus comme des agents contribuant
effectivement à leur autonomisation.
L’indice d’autonomie perçue est égal en moyenne à 49 sur 100. Cette valeur signifie que la
population, toutes catégories confondues, se situe à un niveau d’autonomie moyen. A l’exception des
jeunes qui ont un indice d’autonomie perçue sensiblement plus élevés, les autres catégories
professionnelles s’équivalent et en particuliers les agriculteurs, les bergers et les éleveurs. L’identité
tribale ou l’appartenance à une fraction (arch) n’influence pas l’autonomie perçu. Il en est de même du
revenu mensuel déclaré qui ne semble pas affecter l’autonomie des sujets, à l’exception de la classe
« sans revenu » qui inclue principalement les jeunes.
Une analyse de la régression prenant l’indice d’autonomie perçue comme variable dépendante, montre
que la catégorie d’âge, la situation maritale, le nombre d’enfants, la mensualité, les ressources, les
catégories professionnelles, l’appartenance tribale, et les scores d’attitudes sont des variables
explicatives qui influent l’autonomie des individus. Les résultats montrent cependant qu’on gagnerait
en précision en déterminant les indices d’autonomisation par catégorie professionnelle. Les attitudes,
particulièrement l’implication collective vis-à-vis du parcours, du financement et de la gestion,
agissent sur l’autonomie perçue des individus.
3. L'IMPACT DES STRUCTURES NOUVELLES SUR L'EMERGENCE DU LEADERSHIP
ET SUR L'AUTONOMISATION COLLECTIVE
Lorsqu'elle s'est intéressée aux attitudes d'appartenance des populations, la recherche s’est s'interrogée
sur les communautés en tant qu'objet attitudinal d'identification. Les communautés, auxquelles
correspond l'institution traditionnelle du miyâad, servent de cadre à la socialisation des individus. La
lecture des données (voir chapitre III) suggère que les structures sont perçues selon des registres
différents, le Myâad est perçu en référence à son fonctionnement, le GDA selon un registre affectif, les
conseils de gestion selon un registre d'intérêts matériels Ceux-ci y ont des statuts sociaux et des rôles
diversifiés et leurs regroupements internes peuvent se manifester sous forme de tendances
différenciées au sein de la communauté. La communauté n'en forme pas moins un cadre global dans
lequel tous ces membres se retrouvent. Elle est un cadre de référence identitaire et de référence
territoriale. Elle constitue un enjeu de pouvoir au sein du groupe social. Elle est le lieu d'activités et de
régulations collectives plus ou moins affirmées. Elle est potentiellement un cadre de participation pour
la conception et la mise en œuvre de projets de développement. La communauté doit donc être
comprise comme l'un des agents à prendre en compte dans le processus d'autonomisation. Les
communautés constituaient des instances essentielles de la vie sociale lorsque le système pastoral était
géré par les coutumes traditionnelles. L'évolution du pastoralisme ainsi que la surimposition des
structures administratives modernes et des règles de tutelle les ont largement repliées dans des
fonctions sociales limitées. Les dynamiques nouvelles de développement participatif viennent par
contre relancer leurs solidarités sociales et invitent ces communautés à devenir des ferments de
l'autonomisation collective. Ces dynamiques nouvelles ne signifient pas de retour au passé mais au
contraire une valorisation, dans des cadres juridiques modernes (les GDA), de solidarités certes
fondées sur des héritages indéniables de la culture et de l'histoire mais aussi renouvelées,
réinterprétées et transformées au sein des cadres décisionnels contemporains.
Chapitre V. Réflexions d’ensemble, enseignements et pistes de recherche 129