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Jules & Michel VERNE LES NAUFRAGÉS DU ... - MENU GÉNÉRAL

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<strong>LES</strong> <strong>NAUFRAGÉS</strong> <strong>DU</strong> JONATHAN<br />

vain, il luttait pied à pied contre la tombe avide, les décès<br />

se multipliaient dans Libéria décimée.<br />

Il vivait au milieu des tristesses. Femmes et maris à<br />

jamais séparés, mères pleurant leurs enfants morts, autour<br />

de lui ce n’était que gémissements et que larmes. Rien ne<br />

lassait son courage. Quand le médecin devait se déclarer<br />

vaincu, le rôle du consolateur commençait.<br />

Parfois aussi, et c’était alors plus triste encore peut-être,<br />

nul n’avait besoin de ses consolations, et le défunt,<br />

solitaire jusque dans la mort, ne laissait derrière lui<br />

personne qui le pleurât. Cela n’était point rare, dans cette<br />

réunion d’émigrants, épaves dispersées par les houles de<br />

la vie.<br />

Un matin, notamment, comme il arrivait au campement,<br />

on l’appela près d’une masse informe d’où un râle<br />

s’élevait. C’était un homme, en effet, que cette masse<br />

informe à force d’énormité, un homme que le sort avait<br />

catalogué sous le nom de Fritz Gross dans la liste infinie<br />

des passants de la terre.<br />

Un quart d’heure plus tôt, au moment où, au sortir du<br />

sommeil, il s’exposait au froid du dehors, le musicien<br />

avait été foudroyé. Il avait fallu se mettre à dix pour le<br />

traîner jusqu’au coin dans lequel il agonisait. Au visage<br />

violacé, à la respiration courte et rauque du malade, le<br />

Kaw-djer diagnostiqua une congestion pulmonaire, et un<br />

bref examen le convainquit qu’aucune médication ne<br />

pourrait l’enrayer dans cet organisme ravagé par l’alcool.<br />

L’événement vérifia son pronostic. Quand il revint,<br />

Fritz Gross n’était plus de ce monde. Son grand corps déjà<br />

froid gisait à même le sol, saisi par l’immobilité éternelle,<br />

et ses yeux étaient désormais fermés aux choses d’ici-bas.<br />

~ 270 ~

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