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Jules & Michel VERNE LES NAUFRAGÉS DU ... - MENU GÉNÉRAL

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<strong>LES</strong> <strong>NAUFRAGÉS</strong> <strong>DU</strong> JONATHAN<br />

ne la trahit par aucun signe. C’était un ordre qu’il avait<br />

reçu. Un ordre s’exécute et ne se discute pas.<br />

« Bien ! dit le Kaw-djer. Maintenant, va, mon enfant,<br />

et conforme-toi scrupuleusement à mes instructions. »<br />

Seul, le Kaw-djer s’approcha de la fenêtre et souleva le<br />

rideau. Longuement, il regarda au dehors, afin de graver<br />

dans sa mémoire ce qu’il ne devait plus revoir. Devant lui,<br />

c’était Libéria, et, plus loin, le Bourg-Neuf, et, plus loin<br />

encore, les mâts des navires amarrés dans le port. Le soir<br />

tombait, arrêtant le travail du jour. D’abord, la route du<br />

Bourg-Neuf s’anima, puis les fenêtres des maisons<br />

brillèrent dans l’ombre grandissante. Cette ville, cette<br />

activité laborieuse, ce calme, cet ordre, ce bonheur, c’était<br />

son œuvre. Tout le passé s’évoqua à la fois, et il soupira<br />

de fatigue et d’orgueil.<br />

Le temps était enfin venu de songer à lui-même. Sans<br />

marchander, il allait disparaître de cette foule dont il avait<br />

fait un peuple riche, heureux, puissant. Maître pour maître,<br />

ce peuple ne s’apercevrait pas du changement. Lui, du<br />

moins, il irait mourir, comme il avait vécu, dans la liberté.<br />

Il n’attristerait d’aucun adieu ce départ qui était une<br />

délivrance. Avant de partir, il ne serrerait dans ses bras, ni<br />

le fidèle Karroly, ni Harry Rhodes son ami, ni Hartlepool<br />

ce loyal et dévoué serviteur, ni Halg, ni Dick, ses enfants.<br />

À quoi bon cela ? Pour la seconde fois, il s’évadait de<br />

l’humanité. Son amour s’amplifiait de nouveau, devenait<br />

vaste comme le monde, impersonnel comme celui d’un<br />

dieu, et n’avait plus besoin, pour se satisfaire, de ces<br />

gestes puérils. Il disparaîtrait sans un mot, sans un signe.<br />

La nuit devint profonde. Comme des paupières que<br />

ferme le sommeil, les fenêtres des maisons s’éteignirent<br />

une à une. La dernière s’endormit enfin. Tout fut noir.<br />

~ 606 ~

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