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en effet,
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parmi la société « aussi joyeuse que nom
breuse » qui accompagne le Tarasconnais de Marseille à
Alger, l'auteur mentionne « un riche -musulman qui re
vient de la Mecque ». Cependant la vision de ce pèleri
nage embarqué vers Marseille, pour, de là, gagner
Alexandrie et l'Orient,
du jeune écrivain et il en a tiré,
d'artiste, un poétique symbole,
a vivement frappé l'imagination
outre un joli « crayon »
où s'exprime sa sensi
bilité délicate et rêveuse. La page nous a été conservée au
nombre des fragments relevés dans les Notes sur la vie :
« C'est quelque chose de très touchant à voir sur le pont
des navires, les Arabes en guenilles partant pour Alexandrie ;
ils ont tout quitté ; ils font leurs dévotions sans rien dire, sont
malades silencieusement, reçoivent la pluie, le vent, des coups
de mer... puis ils débarquent, s'en vont par bandes, prient
cinquante jours afin de se purifier. Tout bon musulman doit
faire une fois en sa vie l'effort de ce voyage.
Quelques-uns l'entreprennent en grands seigneurs, mais la
plupart en pauvres, s'embarquent sans le sou, sèment leurs
cadavres tout le long
de la route. Mais au retour que d'his
toires à raconter, les yeux encore éblouis des lampes de ver
meil dans la fraîcheur des mosquées ; beaucoup en restent ravis
pour toute leur existence.
J'en connais, moi, qui tentent aussi ce voyage à la> Mecque,
toujours beau et glorieux en tout cas, même lorsque l'on
tombe en route ; et ceux qui n'ont pas fait dans l'Art cet
effort-là, qui ne se sont jamais embarqués pour le chanceux et
long voyage, ceux-là n'étaient pas de vrais artistes » (i)...
Assurément Daudet l'était, lui,
qui s'embarqua pour un
voyage de réalité et de rêve, vers un pays de l'u.mière et
d'illusion,
qui tentait sa jeunesse aventurière ei son ima
gination de poète fantaisiste. Parti pour goûter l'en
chantement d'un Orient tout proche, dont le prestige
était encore intact auprès des écrivains et des peintres du
temps, il avait abordé les rivages africains, avec une
belle curiosité de jeunesse, avide de contempler, de rêver,
(i) Noies sur la vie, éd. Charpcntier-Fasquelle, p. 82.