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Courbet ou y déclamait des vers de Victor Hugo. Malgré
l'affluence des talents médiocres, le vide et l'animation
factice du milieu, les « heures maussades et perdues » de
ces réunions, la brasserie n'en représentait pas moins
(! une puissance en littérature » : Elle « rendait des arrêts,
on était célèbre par elle et, dans le grand silence de l'Em
pire, Paris se retournait au bruit que faisaient là tous les
soirs quatre-vingts ou cent bons garçons » (i), dont cer
tains connaissaient déjà la notoriété,
dont d'autres n'al
laient pas tarder à l'acquérir. Daudet était du nombre et
l'on conçoit l'effet que devait produire sur « sa naïve et
provinciale jeunesse » ces cafés d'auteurs, d'artistes,
d'hommes politiques en herbe, où sa jeune ambition et
son talent neuf se rencontraient avec ce que la littérature
ou la politique comptait de plus véhément et de plus révo
lutionnaire. II y vécut dans « une belle fièvre d'art et un
perpétuel enthousiasme ».
H. —
Les
raisons du voyage de Daudet en Algérie
i
Tel était donc le jeune écrivain qui débarquait du
Zouave sur le quai d'Alger le 21 décembre 1861. Nous
pouvons l'imaginer avec ses impatiences de débutant en
passe de conquérir la gloire, ses vingt ans qui sonnaient
« dans sa tête un joyeux carillon », son enthousiasme non
exempt d'ironie,
sa fantaisie de poète un tantinet roma
nesque (2); avec cela un certain besoin d'aventures, qui
caractérisait alors « l'endiablé tzigane « qu'il était et
qu'avait développé encore la fréquentation de la Bohème
littéraire (3). IL apportait avec lui en Afrique « la cage
(1)
Trente ans de Paris : La fin d'un pitre.
(2) « Fantaisiste comme je l'étais à vingt ans », avoue-t-il dans
Trente ans de Paris (éd. Fayard, p. g4).
(3)
Il souligne dans le Petit Chose cette « effeivescence de tempé
rament méridional et d'imagination trop comprimée, prête à toutes
les folies »,
ce besoin « d'élargissement de tout son être » qui con
tribuent à déterminer l'esprit d'aventure.