au shack

de souffrance en ce bas monde, des guerres et des catastrophes
qui tuent tant de milliers de gens ?
La voix de Mack n’était plus qu’un souffle quand il ajouta :
« Et que peut bien valoir le meurtre d’une petite fille par un
détraqué ? » La question qui lui arrachait l’âme remonta une fois
de plus à la surface. « Tu ne causes peut-être pas ces drames,
mais tu ne les empêches pas non plus. »
— Mackenzie, dit Papa avec tendresse et sans paraître le
moins du monde blessé par cette accusation ; nous avons des
millions de raisons d’infliger des peines et des souffrances au
lieu de les abolir, mais ces raisons ne sont compréhensibles que
dans le contexte de la vie de chaque être. Je ne suis pas cruelle.
C’est vous qui, dans vos relations, ouvrez si volontiers la porte à
la peur, à la souffrance et au pouvoir. Mais il se trouve que vos
décisions ne sont pas aussi puissantes que mes desseins, et que
je me servirai de toutes vos décisions pour le plus grand bien de
tous et pour le plus tendre des aboutissements.
— Tu vois, fit Sarayu, les humains malheureux construisent
leur vie autour de ce qui leur semble bon pour eux, mais qui ne
les comble ni ne les libère. Ils sont accros du pouvoir, ou de
l’illusion de sécurité que ce pouvoir leur procure. Lorsqu’une
catastrophe se produit, ces mêmes personnes se retournent
contre les puissances factices en lesquelles ils avaient mis toute
leur complaisance. Déçus, ils deviennent soit plus sensibles à
moi, soit plus tenaces dans leur autonomie. Si seulement tu
voyais comment tout cela finira et tout ce que nous pourrons
accomplir sans porter atteinte à un seul libre arbitre, tu
comprendrais. Un jour, tu comprendras.
— Mais à quel prix, bégaya Mack ; à quel prix – regarde la
douleur, la souffrance, toutes ces horreurs, tout ce mal.
Il se tut et baissa les yeux.
— Songe au prix que tu as dû payer, toi. Est-ce que ça en a
valu la peine ?
— Oui ! fusa leur réponse, unanime et joyeuse.
— Comment pouvez-vous dire une chose pareille ? rétorqua
Mack. On croirait que, pour vous trois, la fin justifie les moyens
et que vous êtes prêts à tout pour obtenir satisfaction, même à
sacrifier la vie des milliards d’individus.
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