au shack

faisait maintenant, il aurait l’impression de lancer une motte de
terre dans une flaque d’eau propre.
— Oublie ça…
— Mack, il n’est pas nécessaire que tu comprennes tout.
Contente-toi d’être avec moi.
Mack hésita un moment, puis il s’allongea sur le quai à côté
de Jésus. Tout en protégeant ses yeux du soleil, il regarda les
nuages balayer lentement l’après-midi naissant.
— En toute franchise, avoua-t-il, je ne suis pas trop déçu que
cette histoire de rues pavées d’or ne soit pas vraie. Ça m’a
toujours semblé soporifique ; en tout cas, ce n’est certes pas
aussi merveilleux que d’être ici comme ça, à côté de toi.
Un certain apaisement le gagna tandis qu’il s’absorbait dans
le bonheur de l’instant. Il entendait la caresse murmurante du
vent dans les branches et le rire du ruisseau tout proche qui se
déversait dans l’eau du lac. C’était une journée majestueuse et
les alentours étaient d’une sidérante beauté.
— Sincèrement, je veux comprendre ; je veux dire, ta manière
d’être est si différente de tout le pieux baratin auquel on nous a
habitués.
— La machine religieuse peut avaler tout le monde, si bien
intentionnée soit-elle ! dit Jésus, non sans fermeté. Beaucoup de
ce que l’on fait en mon nom n’a rien à voir avec moi et va même
souvent à l’encontre de mes desseins, fût-ce accidentellement.
— Tu n’aimes guère la religion et les institutions ? fit Mack,
sans trop savoir s’il posait une question ou énonçait une
observation.
— Je ne crée pas des institutions ; je ne l’ai jamais fait et je ne
le ferai jamais.
— Qu’en est-il de l’institution du mariage ?
— Le mariage n’est pas une institution. C’est un état
relationnel.
Jésus enchaîna, cette fois d’une voix calme et patiente.
— J’ai dit que je ne crée pas d’institutions ; c’est une
occupation pour ceux qui jouent à être Dieu. Alors, non. La
religion ne me passionne pas tellement. La politique et
l’économie non plus.
Jésus avait pris un ton sarcastique. Il s’assombrit.
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