au shack

Et supposons que je sache que tu devras vivre quarante-sept
expériences et occurrences avant de comprendre ce que je te dis,
avant de m’entendre avec assez de clarté pour acquiescer à ma
demande et pour changer. Si tu ne m’entends pas la première
fois que je te parle, je ne t’en veux pas et je ne suis pas déçue ;
j’en suis heureuse, parce qu’il ne te reste plus que quarante-six
expériences à vivre pour y parvenir. Cette première fois est le
premier pilier du pont qu’un jour – aujourd’hui – tu franchiras
pour aller vers ta guérison.
— Bien. Voilà que je me sens coupable, avoua-t-il.
— Dis-moi un peu quel effet ça te fait, ricana Papa. Blague à
part, Mackenzie, ça n’a rien à voir avec la culpabilité. La
culpabilité ne t’aidera jamais à trouver en moi ta liberté. Elle
pourra tout au plus t’inciter à te conformer à une éthique
extérieure. Moi, j’ai tout à voir avec l’intérieur.
— Mais pour revenir à ce que tu as dit – se cacher dans les
mensonges… Je suppose que j’ai fait ça toute ma vie d’une
manière ou d’une autre ?
— Mon chéri, tu es un survivant. Il n’y a pas de honte à y
avoir. Ton père t’a fait atrocement mal. La vie t’a blessé. Le
mensonge est le refuge le plus accessible aux survivants. Il te
procure un sentiment de sécurité, il t’offre un lieu où tu ne
dépends que de toi-même. Mais il y fait très noir, n’est-ce pas ?
— Très noir, marmonna Mack avec un hochement de tête.
— La question est de savoir si tu es prêt à renoncer au
pouvoir et au sentiment de sécurité que te procure le mensonge.
— Que veux-tu dire ? fit Mack en levant les yeux vers elle.
— Les mensonges sont une petite forteresse à l’intérieur de
laquelle tu te sens fort et en sécurité. Tu y gères ta vie et tu y
manipules ton entourage. Quand ta forteresse a besoin de
nouvelles murailles pour la renforcer, tu lui en ériges. Ces
murailles sont les justifications de tes mensonges. Tu
comprends ? Tu crois agir ainsi pour protéger tes êtres chers,
pour qu’ils ne souffrent pas. Mais tu fais tout cela pour être bien
dans tes mensonges.
— Si je n’ai pas parlé de ton message à Nan, c’est parce que
ç’aurait été trop pénible pour elle.
— Tu vois ? Tu vois comme tu cherches à te justifier ? Ce que
- 186 -