au shack

nouveau laid et décrépi, ses portes et ses fenêtres rouillées et
brisées. La neige de l’hiver recouvrait la forêt et le sentier jusqu’à
la Jeep de Willie. À travers les buissons touffus de bruyères et de
ronces, le lac se voyait à peine. Le quai était à moitié effondré,
soutenu seulement par quelques poteaux encore intacts. Mack
avait réintégré la réalité. Il sourit intérieurement : il avait plutôt
réintégré la non-réalité.
Il enfila son manteau et retraça ses pas jusqu’au véhicule en
se guidant sur les empreintes qu’il avait laissées dans la neige.
Quand il arriva à la Jeep, une neige légère se mit à tomber. Le
trajet jusqu’à Joseph fut sans incident ; il y arriva au plus noir
d’un soir d’hiver. Il fit le plein d’essence, avala une bouchée
(c’était à peine mangeable) et tenta sans succès de rejoindre Nan
au téléphone. Elle était probablement en voiture, et la réception
de son cellulaire était mauvaise. Mack se rendit jusqu’au poste
de police au cas où Jimmy s’y trouverait, mais voyant qu’il n’y
avait personne, il choisit de ne pas entrer. Il aurait du mal à
expliquer à Nan ce qui s’était passé ; à plus forte raison à Jimmy.
Au carrefour suivant, le feu était rouge, et Mack s’arrêta. Il
était très fatigué, mais en paix et dans un curieux état
d’exaltation. Pour cette raison, il n’appréhendait pas du tout de
s’endormir au volant pendant le long trajet jusque chez lui. Il
avait hâte de retrouver sa famille. Il avait surtout hâte de
retrouver Kate.
Perdu dans ses pensées, Mack s’engagea dans l’intersection
dès que le feu passa au vert. Il n’eut pas le temps de voir que
l’autre conducteur grillait le feu rouge. Il y eut un éclat de
lumière vive, puis rien d’autre que le silence et un noir d’encre.
En une fraction de seconde, la Jeep de Willie fut
complètement détruite. Quelques minutes plus tard, la police et
les pompiers arrivèrent sur les lieux. Peu après, le service aérien
d’ambulance transportait le corps brisé et inconscient de Mack à
l’hôpital Emmanuel, à Portland, en Oregon.
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