au shack

cauchemars où il s’enlisait dans la boue et où ses cris silencieux
étaient impuissants à sauver Missy. Les mauvais rêves
s’espaçaient, un peu de rire et de joie revenaient lentement dans
sa vie, mais il s’en culpabilisait.
Si bien que, lorsque Mack reçut le message de Papa qui lui
disait de venir le rencontrer au shack, ce n’était pas rien. Est-ce
que Dieu se donne même la peine d’écrire des messages ? Et
pourquoi le rencontrer au shack, ce symbole criant de sa
profonde détresse ? Dieu avait sûrement des lieux de
rendez-vous plus convenables. Une noire pensée lui traversa
l’esprit : si le tueur cherchait à l’attirer, à l’éloigner de sa famille
afin que celle-ci soit vulnérable ? Peut-être aussi s’agissait-il
d’une très cruelle plaisanterie. Mais alors, pourquoi avoir signé
« Papa » ?
En dépit de tous ses efforts, Mack ne put s’ôter de l’esprit que
le message était peut-être réellement de Dieu, même si l’image
d’un Dieu facteur heurtait ses sensibilités théologiques. Il avait
appris au séminaire que Dieu avait entièrement renoncé à
communiquer ouvertement avec le genre humain, se bornant à
lui demander d’écouter et d’observer les Saintes Écritures – du
moment qu’il les interprétait correctement, bien entendu. La
voix de Dieu n’était plus que du papier, du papier que devaient
encore déchiffrer et étudier les cerveaux compétents et les
autorités. La communication directe avec Dieu était devenue un
privilège réservé aux anciens et aux barbares, puisque
l’intelligentsia contrôlait et méditait les échanges entre Dieu et
les Occidentaux instruits. Personne ne voulait d’un Dieu
préfabriqué, certes, mais on acceptait un Dieu enfermé dans un
livre. Si possible un livre coûteux, un livre relié en cuir, à
tranches dorées.
Plus Mack réfléchissait à cette question, plus elle le
tourmentait et l’irritait. Qui donc lui avait envoyé ce maudit
message ? Peu importait qu’il se soit agi de Dieu, du tueur ou
d’un plaisantin, chaque fois qu’il le relisait il se sentait manipulé.
De toute façon, à quoi lui servirait-il d’obéir à Dieu ? Il suffisait
de voir où cette obéissance l’avait mené jusqu’à présent…
En dépit de sa colère et de sa dépression, Mack voulait
trouver des réponses. Il comprit qu’il était dans une impasse : les
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