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Le Métier d'Infirmière Libérale (Tome 2) - A ... - SIDERAL-Santé

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<strong>Le</strong> second élément qui participe à cette absence de visibilité et de prise en<br />

considération tient à la nature même de ces tâches. En effet, de telles pratiques nous paraissent<br />

très comparables aux aides que l’entourage familial et/ou amical apporte aux personnes<br />

dépendantes, malades et/ou handicapées. Or de telles contributions ne sont en général ni<br />

pensées ni reconnues comme un véritable travail. Ces aides sont le plus souvent qualifiées<br />

d’« informelles », de « non professionnelles » ou encore de « profanes 54 ». Sur ce point,<br />

Vincent Caradec précise que « la notion d’ "aide" aux personnes âgées dépendantes est trop<br />

globalisante et doit être déconstruite. Il existe en effet, deux grandes catégories d’aidants : les<br />

aidants "informels" et les aidants professionnels 55 ». Cette distinction qui est aujourd’hui<br />

largement admise au sein des champs de la sociologie de la santé et de la gérontologie sociale<br />

nous pose pourtant certaines difficultés au regard de la réalité investiguée. Comment par<br />

exemple, caractériser le fait qu’une infirmière libérale achète une baguette de pain pour l’un<br />

des ses patients ? S’agit-il d’un acte professionnel dans la mesure où celui-ci est réalisé par<br />

une soignante de métier pour la personne qu’elle soigne ? S’agit-il d’un acte informel au<br />

regard d’un contenu qui n’a peu que peu rapport avec une pratique spécifiquement<br />

infirmière ? S’agit-il d’une activité sociale ordinaire ? Pour dépasser ce dilemme, nous<br />

proposons d’inscrire notre analyse dans un cadre anthropologique. Ce type d’approche permet<br />

d’envisager le soin de manière élargie, comme action mobilisant des savoirs formels et<br />

informels ainsi que des pratiques techniques et non techniques. À cet égard, pour Francine<br />

Saillant le soin constitue « un ensemble complexe de valeurs et de symboles, de gestes et de<br />

savoirs, spécialisés ou non, susceptibles de favoriser le soutien, l’aide ou l’accompagnement<br />

de personnes fragilisées dans leurs corps-esprit, donc limitées, temporairement ou sur une<br />

longue période de leur existence, dans leur capacité de vivre de manière indépendante 56 ».<br />

Autrement dit, comme le souligne Geneviève Cresson 57 , il y a une continuité, voire une<br />

imbrication entre le care (c’est-à-dire les soins d’entretien de la vie inscrits dans une<br />

dimension relationnelle et profane) et le cure (les soins de réparation fondés sur une<br />

dimension technique et professionnelle). Dans la pratique, on constate l’existence d’un<br />

chevauchement de tâches entre profanes et professionnels : une partie d’entre elles sont tantôt<br />

réalisées par les professionnels, tantôt par les profanes. En adoptant une telle approche centrée<br />

sur le contenu du travail et ses acteurs, Anselm Strauss a ainsi pu démontrer que le malade<br />

était également un « travailleur médical » 58 .<br />

Ce sont donc ces situations intermédiaires, cette part du travail non spécialisé produit<br />

par les infirmières libérales dont nous chercherons à rendre compte ici. Nous commencerons<br />

par décrire le contenu de cette activité et à en repérer les différentes formes. Puis, nous nous<br />

attarderons sur la grande diversité de ces pratiques ainsi que sur leurs déterminants. Nous<br />

relèverons l’existence de configurations relationnelles qui facilitent ou qui au contraire<br />

freinent la mise en œuvre de telles pratiques. Qu’est-ce qui fait qu’une infirmière accepte<br />

d’acheter une baguette de pain pour un malade et pas pour un autre ? Et pourquoi sa collègue<br />

va t-elle systématiquement refuser de rendre le même service ? Autant de questions qui<br />

54 « <strong>Le</strong> terme " profane " vient du vocabulaire religieux, pour lequel l’opposition sacré/profane est essentielle.<br />

<strong>Le</strong>s sociologues de la maladie et de la médecine utilisent ce terme en opposition à " professionnel "» in Philippe<br />

Adam, Claudine Herzlich, Sociologie de la maladie et de la médecine, Paris, Nathan, 1994, pp. 67-68.<br />

55 Vincent Caradec, Sociologie de la vieillesse et du vieillissement », Paris, Nathan, 2002, p. 82.<br />

56 Francine Saillant citée par Geneviève Cresson « Soins à domicile et rapports sociaux de sexe » in La santé au<br />

travail : les outils de la connaissance, l’organisation du travail et la production de la santé, Symposium UBO-<br />

ARS, 3-4 oct 2002, Faculté V. Segalen, Brest.<br />

57 Geneviève Cresson, « Soins à domicile et rapports sociaux de sexe », op. cit.<br />

58 Anselm Strauss, La Trame de la négociation. Sociologie qualitative et interactionniste, op. cit., pp. 143-190.<br />

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