Le Métier d'Infirmière Libérale (Tome 2) - A ... - SIDERAL-Santé
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quelque peu l'autonomie professionnelle. <strong>Le</strong> patient représente notamment une source<br />
potentielle de désorganisation : il peut perturber la programmation des tournées ou encore<br />
affecter les relations entre collègues. Déjà cité plus haut, Nicolas, qui employait pourtant le<br />
mot « échange » pour qualifier sa relation aux malades, explique que s’il n’a pas à plus subir<br />
le poids de la hiérarchie hospitalière en secteur libéral, il lui faut, à la place, subir la pression<br />
des personnes soignées :<br />
« Ceux qui nous gouvernent ce sont les patients ».<br />
De telles conceptions peuvent être également relevées chez les infirmières<br />
hospitalières, qui ressentent fortement la contrainte marchande exercée par un malade devenu<br />
« client » au sein d’une organisation de plus en plus soumise aux principes de la<br />
rationalisation de l’activité 93 .<br />
En outre, les analyses sociologiques récentes soulignent que la relation entre<br />
professionnels et profanes dans le champ de la santé tend à davantage de symétrie,<br />
conformément aux nouvelles valeurs sociales prônant l’égalité, l’autonomie des personnes ou<br />
encore la responsabilité individuelle. <strong>Le</strong> patient, qui auparavant endossait un rôle passif dans<br />
la relation thérapeutique, en devient aujourd’hui un acteur incontournable. <strong>Le</strong>s rapports<br />
régulés par la norme de la compliance 94 laissent progressivement place aux rapports régulés<br />
par la norme de la participation thérapeutique 95 . <strong>Le</strong>s professionnels de santé doivent<br />
désormais rechercher le consentement éclairé du malade, respecter ses choix ainsi que sa<br />
volonté 96 . À cet égard, les lois relatives aux droits des malades et des usagers du système de<br />
santé ont contribué à formaliser, de manière institutionnelle, la progression du pouvoir des<br />
patients dans leurs rapports aux soignants. <strong>Le</strong>s infirmières libérales peuvent ressentir assez<br />
vivement toutes ces transformations, déplorant par exemple que certains malades cherchent<br />
« à les commander », « à les dominer » ou à mettre en œuvre « des jeux de pouvoir ».<br />
Dans la continuité de ces propos, les soignantes rendent compte d’une raréfaction des<br />
formes de gratitude et de gratification de la part des patients 97 : un café proposé après la<br />
réalisation des soins, un bouquet de fleurs offert à la fin d’un traitement, des chocolats à<br />
Noël… Bien souvent, les professionnelles attribuent ces évolutions à la montée de<br />
« l’individualisme » et de « l’égoïsme » dans la société globale. Or, c’est le statut même du<br />
patient et la nature de sa relation aux professionnels qui se sont transformés au fil des<br />
dernières années : moins soumis à l’autorité médicale, moins passif et plus autonome, le<br />
patient se positionne de plus en plus en qualité d’usager des institutions et des services de<br />
santé (dont fait partie intégrante le cabinet infirmier). Il est à noter que les intéressées ne<br />
mettent pas ces changements en lien avec l’évolution de leurs propres pratiques (par exemple,<br />
la délégation de quelques actes de nursing aux aides soignantes et de certaines tâches<br />
domestiques aux aides ménagères, le transfert des toilettes mortuaires vers les sociétés<br />
93<br />
Florence Douguet, « La carrière au fil de l’avance en âge des femmes soignantes du secteur hospitalier »<br />
op. cit., pp. 75-78.<br />
94<br />
<strong>Le</strong> malade compliant est celui qui applique de manière rigoureuse les consignes médicales.<br />
95<br />
Florence Douguet, « L’ajustement des normes mobilisées par les professionnels de santé à l’égard des<br />
personnes souffrant d’insuffisance rénale », op. cit., pp.185-196.<br />
96<br />
Xavier Molénat, « Médecin-patient, je t’aime moi non plus », Sciences Humaines, n°48, 2005, pp. 44-45.<br />
97<br />
Il ne s’agit pas ici de dire que ces formes de remerciement ont complément disparu, mais qu’elles sont moins<br />
fréquentes. <strong>Le</strong>s infirmières sont en effet encore très nombreuses à signaler les petits présents offerts par les<br />
patients (boîtes de bonbons, napperons « faits main », etc.).<br />
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