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L'INCENDIE MILLENARISTE - Basse Intensité

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nelle ni de respect pour la propriété et le travail. Nous vivons<br />

dans l'anarchie totale.» Les ouvriers de Fernan-Nunez créèrent<br />

d'ailleurs un journal au titre éloquent : «Notre tour viendra !»<br />

Puis vint une période de sécheresse de 10 mois, dans toute<br />

l'Andalousie. Les semailles étaient anéanties, fontaines et puits<br />

asséchés, le bétail mourait sur pied. Les travailleurs des champs<br />

se retrouvèrent sans travail durant 10 mois. Il y eut un bref<br />

retour à la ferveur religieuse, on organisa des processions nocturnes<br />

en l'honneur de la Vierge Marie. Mais les gens n'acceptaient<br />

plus leur sort comme une fatalité : «la vague de révolte précédente<br />

avait expulsé des âmes la résignation chrétienne par<br />

laquelle les hommes avaient succombé dans des occasions analogues»<br />

raconte Moral. L'incurie des secours officiels était flagrante.<br />

Les gens voyaient bien que l'on se foutait de leur<br />

gueule. A la mi-janvier 1905, les travailleurs de Cordoba se réunirent<br />

en grand nombre devant la mairie, réclamant du travail,<br />

puis allèrent piller un grand magasin d'alimentation. La révolte<br />

était plus inspirée par un désir de lutte que par la nécessité*. En<br />

mars, après 20 jours chômés, la situation empira. A Bujalance,<br />

Espejo, Fernan-Nunez, Montoro, Palura, Puente Genil, les<br />

ouvriers descendirent dans la rue pour réclamer de l'argent -<br />

mais plus personne n'invoquait, comme jadis, le nom de Dieu<br />

ou la charité. Ils se faisaient menaçants. Certains allaient dans<br />

les propriétés et exigeaient du pain, qu'on leur donnait et de<br />

l'argent, qu'on leur cédait aussi. Dès que les propriétaires ne<br />

voulurent plus payer, on se retourna contre la mairie, des coups<br />

de feu furent tirés contre la police.<br />

* Les sociologues ont toujours attribué à la faim les soulèvements andalous. C'est exactement<br />

l'inverse qui se passait : la faim ne se trouvait pas à l'origine des révoltes mais à leur terme,<br />

comme le prouve la grève de 1905. «La faim ne produit pas des rebelles. La faim affaiblit, rend<br />

couard, avilit, dénigre... Mais subvertir ? Jamais. Ce qui crée des rebelles, c'est la propagande,<br />

la conviction qu'a l'ouvrier que ce qu'il produit c'est à lui de le consommer» (El obrero consciente,<br />

Acracio Progresso 1907). Les ouvriers les plus actifs d'Andalousie, aujourd'hui encore,<br />

disent entre eux qu'ils ne luttent pas pour le pain mais pour la progression et le triomphe de leur<br />

idéal. Quand ils parlent de la faim c'est pour en faire une arme de combat pour mettre l'opinion<br />

de leur côté ou stimuler encore plus les révoltés. Moral cite le cas d'une émeute dans un village<br />

en 1905 : «Les émeutiers alors que rien ne les empêchaient de le faire, alors qu'ils s'attaquaient<br />

aux quelques magasins et autres édifices ne se jetaient pas sur les aliments, même les plus affamés.<br />

Ce n'était que lorsque le calme relatif était revenu que la totalité des aliments et autres<br />

biens étaient saisis et répartis par les "obreros conscientes" entre les protagonistes.»<br />

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