08.09.2013 Views

L'INCENDIE MILLENARISTE - Basse Intensité

L'INCENDIE MILLENARISTE - Basse Intensité

L'INCENDIE MILLENARISTE - Basse Intensité

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

fonder des villes qui se voulaient l'imitation de la Jérusalem<br />

mythique : Tabor, Munster, Canudos, les villages entièrement<br />

reconstruits en Mélanésie pendant les cultes du Cargo.<br />

Ils puisaient leur inspiration dans la part de l'expérience<br />

sociale qui était refoulée dans la clandestinité : cette part constitue<br />

l'inconscient d'une société, la somme de ses angoisses et de<br />

ses aspirations qui s'exprimaient dans les rêves et les mythes. Les<br />

prophètes trouvaient dans l'histoire mythique l'intelligence de<br />

l'histoire humaine, qui leur permettait de donner une cohérence<br />

à ces rêves et visions (pour les hommes de ce temps-là, le<br />

rêve était un moyen de connaissance qui permettait de déchiffrer<br />

une énigme historique : on reconnaissait alors la rationalité<br />

profonde du rêve et on lui accordait l'intérêt public). De ce fait,<br />

tout ce qui était rejeté dans la clandestinité pouvait ressurgir au<br />

grand jour dans une forme communicable. Les prophéties<br />

étaient un moment de cette communication. Une pensée souterraine<br />

y trouvait son expression éloquente. L'unité de la vie se<br />

trouvait ainsi rétablie contre l'ordre social.<br />

L'inconscient tel que l'ont décrit Freud, puis Reich, n'existe<br />

que dans les sociétés où régnent la pensée matérialiste vulgaire<br />

et le rationalisme bourgeois. C'est l'inconscient de l'individu<br />

solitaire, désespérément seul avec sa souffrance. La souffrance<br />

est justement la part de l'expérience individuelle — celle de<br />

l'insatisfaction — qui est rationnelle mais que la société refoule.<br />

Aujourd'hui, la souffrance ne sort plus de l'inconscient, sinon<br />

pour être traitée par les psychiatres. Elle est conçue comme un<br />

mal individuel. Dans le monde chrétien, il existait un passage<br />

du mal individuel au mal social. La religion plongeant ses racines<br />

dans la souffrance («seuls ceux qui souffrent pensent à<br />

Dieu»), les pauvres trouvaient les mots qui rendaient le malheur<br />

intelligible, communicable. La religiosité populaire détournait<br />

ainsi le discours de l'Église. Aujourd'hui, l'énigme qu'est pour<br />

chacun sa souffrance est devenue indéchiffrable.<br />

Le sens du malheur est obscurci pour les pauvres de notre<br />

temps. Freud saisit l'angoisse comme pure tragédie individuelle,<br />

même s'il admet qu'elle est la conséquence de la société<br />

486

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!