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L'INCENDIE MILLENARISTE - Basse Intensité

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Ce fut l'avantage d'une époque d'avoir donné des mots<br />

dont on pût s'emparer, d'avoir fourni des concepts qui ne<br />

fussent pas si éloignés de nous que nous ne pussions nous<br />

en approprier le sens. Le monde de la Religion était à la merci<br />

de sa vérité.<br />

La religion constituait bien toute l'expérience du monde dans<br />

le sens où elle était la pensée de la séparation ; et l'expérience<br />

du monde était effectivement celle de la séparation «ou l'un<br />

seulement est ce qui est reconnu et l'autre seulement ce qui<br />

reconnaît» ; et cette séparation privait effectivement les hommes<br />

de leur humanité «où ils se reconnaissent comme se reconnaissant<br />

réciproquement». Mais la religion ne la présentait pas<br />

comme totalement achevée, dans la tragédie terrestre de la séparation,<br />

elle apportait l'espoir du Salut, l'Église était la preuve<br />

temporelle, tangible de ce salut puisqu'elle était la médiatrice<br />

entre l'homme et Dieu : la séparation de l'homme de son<br />

essence n'était ni absolue ni définitive, entre les deux il y avait<br />

les sacrements, comme la séparation entre le seigneur et le serf<br />

n'était plus celle qui avait existé entre le maître et l'esclave<br />

puisqu'entre les deux il y avait un serment d'allégeance : «Le<br />

premier (temps) a été l'obéissance servile, le second la servitude<br />

filiale, le troisième sera la liberté... Le premier a été la crainte, le<br />

second la foi, le troisième l'amour. Le premier a été l'âge des<br />

esclaves, le second celui des fils, le troisième sera celui des amis.»<br />

(Joachim de Flore, Concordia Novi ac Veteris Testamenti<br />

-1200).<br />

La religion était à la fois la pensée de la séparation et celle de<br />

la rédemption, de la suppression de la séparation. Il n'était pas<br />

question pour elle de critiquer la séparation puisqu'elle situait<br />

sa suppression dans un au-delà, du moins tant que la féodalité<br />

était suffisamment puissante pour rejeter dans l'au-delà tout<br />

espoir millénariste. Mais déjà, dès la fin du XII e , Joachim de<br />

Flore et Amaury de Bène, l'un abbé éminent, l'autre Maître à<br />

l'université de Paris, annoncent l'un et l'autre la venue d'un<br />

troisième âge, celui de la liberté.<br />

La société médiévale était d'essence religieuse, elle contenait<br />

à la fois une pensée et un projet social. La réalisation de ce projet<br />

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