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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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Sperlonga, une riche postérité dans les

demeures impériales. On le retrouve

ainsi dans le nymphée du palais de

Claude à Baïes (Le Figaro Histoire

n° 57) et dans la Domus Aurea de Néron

à Rome. Quant au nymphée Bergantino

de la villa de Domitien à Castel

Gandolfo et à la villa Adriana à Tivoli,

les fragments de marbre qui y ont été

découverts signalent une même association

de l’aveuglement du cyclope et

de Scylla. A Tivoli est conservée une

reconstitution saisissante du monstre

marin, qui se dressait peut-être en deux

exemplaires à chaque extrémité du

miroir d’eau du Canope. Ces groupes

étaient certainement des imitations

délibérées de ceux de Sperlonga.

Car si Tibère déserta sa villa après

l’écroulement de 26 apr. J.-C., la grotte

ne fut pas abandonnée pour autant,

comme le montrent plusieurs autres

sculptures du II e siècle retrouvées sur

place, mais aussi l’inscription de Faustinus

décrivant Polyphème et Scylla, qui

daterait, selon Nathan Badoud, du III e ou

duIV e siècle.Ledécorsculptédelagrotte

aurait donc été encore intact en grande

partie à cette époque. Mais que penser

des dizaines de milliers de fragments

auxquels il fut réduit ensuite ? « Leur

enfouissement dans le bassin, après une

destruction aussi méthodique, fait penser

à une damnatio memoriae du paganisme

de la part des chrétiens », suggère

Cristiana Ruggini. Ce sont eux qui ont

laissé les dernières traces d’une occupation

de la grotte au VI e siècle.

Dans les réserves du musée dorment

encore des monceaux de débris sculptés.S’ilestpeuprobablequ’ilsretrouvent

jamais leur place dans le fabuleux puzzle

qui fait l’admiration des 45 000 visiteurs

annuels de Sperlonga, leur simple existence

laisse imaginer le raffinement de la

grotte telle qu’elle se présentait il y a tout

juste deux mille ans. Ce qu’on y voyait

n’était pas un simple décor, mais le rêve

de marbre d’un empereur érudit, qui

avait confié à trois artistes virtuoses le

soin de lui donner vie, et à Ulysse,

« l’homme aux mille tours », celui de

chanter ses vertus et sa gloire.2

© ARALDO DE LUCA. © ALESSIO INNOCENTI. © FRANCO COGOLI/SIME/PHOTONONSTOP.

UN DÉJEUNER DE SOLEIL Page de gauche : le pied gauche de Polyphème. En haut :

la tête du timonier dont la calotte crânienne a été emportée par Scylla. Ci-dessus :

les vestiges de la villa de Tibère. Edifiée au début du I er siècle av. J.-C. et remaniée

au début de l’époque impériale, elle était l’un des lieux de villégiature favoris

de Tibère. L’empereur l’abandonna toutefois après l’accident survenu en 26 apr. J.-C.

au cours duquel, alors qu’il dînait dans la grotte, entouré de sa sublime «odyssée

de marbre », il faillit mourir écrasé sous la roche, l’entrée s’étant effondrée.

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