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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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© RUE DES ARCHIVES/BRIDGEMAN IMAGES. © FERNAND PARIZOT/AFP.

Quel but l’OAS poursuit-elle

après les accords d’Evian ?

Avant même les accords d’Evian,

l’OAS a radicalisé ses actions. Cette

stratégie est voulue et mise en œuvre par

certains de ses dirigeants, notamment Jean-

Claude Pérez, le patron de la branche ORO

(Organisation-renseignement-opérations),

qui pousse à la pratique de «ratonnades »

pour venger, par exemple, la mort d’un

chauffeur de taxi européen, survenue

le 24 février 1962. Si, au sein de l’état-major

de l’OAS, certains s’en émeuvent, le patron

de l’ORO proclame pour sa part que

le cessez-le-feu ne saurait être la paix mais

«le bain de sang ». Ce qu’on va appeler

par la suite la politique de la «terre brûlée »

est en gestation avant le 19 mars. Ainsi,

«l’accord gaullo-FLN », comme le désigne

l’OAS, accélère un processus mais ne

le crée pas puisqu’il était entendu, au sein

de l’état-major de l’organisation, qu’il

fallait «empêcher la réalisation pratique

des accords » et «paralyser la réalisation

du processus prévu ». L’heure est donc,

selon les termes de l’instruction n° 29 de

Salan, celle d’une «offensive généralisée ».

Pour la première fois, l’OAS choisit

délibérément de mettre la population

européenne en mouvement quand

jusqu’alors les militaires de l’état-major

algérois freinaient les projets de

«structuration » des Européens. Tout

bascule avec le bouclage de Bab

el-Oued, quartier populaire d’Alger de

60 000 habitants acquis largement à l’OAS,

qui débute le 23 mars 1962, à 0 heure.

Les forces de l’ordre qui voudraient

y pénétrer seront considérées, affirme la

propagande de l’OAS, comme «des troupes

au service d’un gouvernement étranger ».

L’épreuve de force est recherchée autant

que la volonté de mettre les militaires

engagés face à leurs responsabilités. Mais

les autorités n’entendent nullement voir

se reproduire l’épisode des barricades, et les

forces terrestres et aériennes massivement

mobilisées ont rapidement raison d’un

bouclage qui voit les habitants du quartier

pris dans une nasse dont les commandos

de l’OAS parviennent cependant

à s’extraire. L’échec est cuisant : Bab el-Oued

est sous contrôle gouvernemental

et l’insurrection projetée n’a pas eu lieu.

L’épilogue, dramatique, survient

le 26 mars 1962, lors de la fusillade de la rue

d’Isly. Une manifestation non autorisée

mais soutenue par l’OAS est réprimée

violemment par des tirailleurs algériens

sous uniforme français. On dénombre chez

les manifestants 58 morts et 200 blessés,

dont beaucoup n’ont pas survécu à leurs

blessures. Le choc est profond. Mais pour les

autorités gouvernementales, qui pointent

la responsabilité des commandos OAS

qui auraient tiré les premiers, l’épisode est

presque considéré comme salutaire. Il était

indispensable d’avoir tiré pour «disperser

les charmes », expliqua De Gaulle, le 3 avril,

au Comité des affaires algériennes, tandis

que dans ses Mémoires, le général Ailleret,

qui a proclamé l’ordre du jour annonçant

le cessez-le-feu, a marqué son «très grand

soulagement », considérant que «si sinistre

qu’il ait été, l’éclair de la rue d’Isly avait

déchargé de son électricité le nuage d’orage

que constituait la population européenne

depuis l’instruction n° 29 de Salan ».

L’échec du bouclage n’est pas le seul

enregistré par l’OAS à la fin de mars 1962.

Les projets de maquis OAS en Grande

Kabylie ou dans la zone de Palestro, portés

par Salan lui-même, n’ont abouti qu’à une

série d’initiatives désastreuses, et le dernier

en date, celui de l’Ouarsenis, est réduit

au bout de quatre jours. L’OAS est au bord

de l’implosion au début d’avril 1962, tandis

que se multiplient des arrestations comme

celle de Degueldre (7 avril) et surtout

de Salan (20 avril), moins d’un mois après

celle de Jouhaud (25 mars). La décapitation

de l’organisation n’entame pas la volonté

de radicalisation de son état-major, mené

par le colonel Godard, qui entend jouer une

dernière carte, «déclencher (…) une action

insurrectionnelle généralisée s’étendant

à l’ensemble de la communauté européenne

pour tenter de tout remettre en question ».

Mais, pour ce faire, encore aurait-il fallu

que l’OAS ait pu exciper de succès, alors

qu’elle est la grande vaincue de ces accords

qu’elle n’a nullement paralysés.

Dans le même temps, les électeurs

métropolitains ont, le 8 avril 1962, répondu

oui à 90,8 % au «projet de loi soumis

au peuple français par le président

de la République et concernant les accords

à établir et les mesures à prendre au sujet

de l’Algérie sur la base des déclarations

gouvernementales du 19 mars 1962 ». On

constate à la lecture de la question posée

qu’il n’est pas question de ratifier un traité

(ce que ne sont pas les pourparlers d’Evian)

mais de donner une forme de blanc-seing

et de faire confiance pour l’avenir à ceux qui

fixeront les modalités de l’indépendance.

Les Européens d’Algérie, qui ont été écartés

de la consultation, peuvent constater

que l’OAS, malgré ses prétentions, n’est

pas en mesure de les défendre. Cette

population a-t-elle cependant confiance

dans une sortie de guerre qui garantirait

ses intérêts en Algérie et la possibilité

d’y rester ? En quelques semaines la réponse

va s’imposer et elle sera négative.

63

h

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