Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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Le 20 septembre 2021, le président de la République,
Emmanuel Macron, demandait pardon, au nom de la
France, aux anciens harkis. « Cette histoire est totalement
méconnue des Français », reconnaissait, le 18 novembre suivant,
Geneviève Darrieussecq, ministre déléguée chargée de
la Mémoire et des Anciens Combattants, alors que l’Assemblée
nationale adoptait en première lecture le projet de loi
« portant reconnaissance de la nation envers les harkis et les
autres personnes rapatriées d’Algérie anciennement de statut
civil de droit local ». La loi a été promulguée le 23 février 2022.
Les harkis ? Tout le monde connaît le mot, mais bien peu
savent quelle réalité il recouvre. Dès le début de l’insurrection
indépendantiste en Algérie, en 1954, l’ethnologue Jean Servier,
alors en mission dans les Aurès, avait armé un groupe de
musulmans afin de défendre la ville d’Arris contre les rebelles.
Suivant cet exemple, le préfet de Constantine et le directeur de
lasûretéenAlgérieproposèrentaugouvernement,dèsnovembre
1954, l’engagement de supplétifs musulmans pour assurer
le maintien de l’ordre. En janvier 1955, le ministre de l’Intérieur,
François Mitterrand, valida la création de 30 goums de
100hommes:lesgroupesmobilesdepolicerurale(GMPR).Un
an plus tard, le 8 février 1956, la rébellion s’étant étendue, le
commandement prescrivit de former partout des harkas, « unités
supplétives chargées de compléter la sécurité territoriale et
de participer aux opérations locales ». Le modèle demeure ce
qui a été organisé dans les Aurès et, dans l’Ouarsenis, par le
bachaga Saïd Boualam (ou Boualem selon les transcriptions).
Capitaine au 1 er régiment de tirailleurs algériens à la fin de la
Seconde Guerre mondiale, cet officier brillamment décoré,
devenu caïd en 1945, puis bachaga en 1956, exerce son autorité
sur 24 tribus des Beni-Boudouane. Député et quatre fois
vice-présidentdel’Assembléenationalede1958à1962,ilsera
responsable des harkis de l’Ouarsenis jusqu’à l’indépendance
de l’Algérie, vivant symbole des musulmans profrançais.
Des formations de volontaires
En 1956, le gouverneur général de l’Algérie, Robert Lacoste,
formule les règles de création des harkas (ce mot, qui désigne
les groupes de harkis, vient de l’arabe haraka, qui signifie
« mouvement »). La décision appartient au préfet, tandis que la
gestion des groupes est confiée au commandement militaire,
encollaborationavecl’administrateurdelacommuneoul’officier
SAS le représentant – les sections administratives spécialisées
(SAS), composées de militaires et de civils, ont été
créées en 1955 afin d’aider les populations rurales musulmanesdansledomainescolaire,socialetmédical.Uneharka,formation
de volontaires commandés par un officier, est composée
d’une centaine de harkis organisés en sous-groupes de
25 hommes. Ceux-ci sont recrutés avec un statut de journalier
par contrat d’un mois renouvelable souscrit pour le compte de
l’administration civile, contrat qui peut être un simple accord
oral. En 1957, l’état-major précise que les harkas doivent être
© JEAN-LOUIS SWINERS/GAMMA RAPHO. © JEAN-PIERRE LAFFONT/ROGER-VIOLLET.