Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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EN COUVERTURE
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h
comment le plan des généraux putschistes pourrait-il réussir ?
Sauf bien sûr à déclencher cette guerre civile dont ils ne veulent
pas. Au risque du poteau d’exécution, Challe et Zeller se
rendent avant qu’une effusion de sang déclenche un processus
meurtrier de montée aux extrêmes. Mais pas Salan ni le
pied-noir Jouhaud, qui passent à la clandestinité.
Fort de l’appui de l’opinion publique, De Gaulle s’emploie à
accélérer la marche vers l’indépendance. Le 8 septembre
1961, un premier attentat de l’OAS le vise. Une bombe explose
près de Pont-sur-Seine sur le passage de sa Citroën DS. Le chef
de l’Etat en sort vivant. Bien que les pleins pouvoirs prévus à
l’article 16 expirent trois semaines plus tard, De Gaulle ne les
reconduit pas, preuve qu’il croit encore maîtriser la situation.
Tandis que l’OAS tente de se structurer, la fédération de
France du FLN finit d’éliminer sa rivale messaliste et reste seul
maître de la communauté algérienne en métropole. Accentuant
leterrorisme,sesmilitantsassassinent22policiersetenblessent
76 en France entre janvier et octobre 1961. Dans ce climat de
tension, le FLN appelle, le 17 octobre, les Algériens de la région
parisienne à manifester en faveur de l’indépendance. La consigneestclaire:nulnedoitporterd’armes.Celledupréfetdepolice
MauricePaponnel’estpasmoins: cognez.Cetterépressionbrutale
cause au moins 200 morts selon l’évaluation très excessive
del’historienJean-LucEinaudi,etentre30et50seloncelle,plus
impartiale, de son collègue Jean-Paul Brunet. Ce carnage ne
scandalise guère l’opinion publique : l’indignation des métropolitains
vise désormais moins le pouvoir ou le FLN que l’OAS.
Si cette dernière est populaire parmi les pieds-noirs, peu
d’entre eux se mouillent avec elle. Ses effectifs en Algérie ne
dépasseront jamaisles 3 000 militants, dont untiersde clandestins.
Et le tableau est encore pire pour elle en métropole, où sa
base sociale est beaucoup plus restreinte. En réalité, l’OAS est
presque aussi divisée que le FLN. La différence, c’est toujours le
facteur temps – fondamental, on l’a vu, dans la guerre asymétrique.Or,dutemps,seulleFLNendispose.L’OAS,elle,vapasser
une année et demie à courir en vain contre la montre.
Autre facteur important, le terrorisme. Le FLN en a fait une
arme de masse dans le bled, loin des regards, puis en ville, lors
de la bataille d’Alger. Un véritable musée des horreurs : langues
et nez coupés, brûlures, égorgements, émasculation
des hommes avec parties génitales enfoncées dans la bouche,
viols, éventration de femmes enceintes, têtes d’enfants
fracassées. Puisqu’il est question aujourd’hui d’ouvrir les
archives militaires, notons à cet égard que leur déverrouillage
devrait être étendu à la gendarmerie, celle-ci ayant enregistré
consciencieusement ces crimes avec dossiers photos établissant
leurs circonstances. Des documents et des images atroces
que le pouvoir gaulliste mettra sous le boisseau après la
guerre, par souci de ménager l’Algérie indépendante.
Terrorisme OAS et répression
Constatant l’efficacité de la terreur côté FLN, les durs de l’OAS
s’imaginent qu’en imitant l’adversaire, ils parviendront aux
mêmes résultats que lui. D’où leurs premiers attentats, commis
àlaveilleduputschd’avril1961.Maislerapportdeforceesttout
autre. Le nombre des pieds-noirs atteint en effet à peine le million,
soit 10 % de la population de l’Algérie et 2 % de celle de la
métropole. Par-dessus le marché, l’OAS, absente du bled,
commet ses attentats dans les grandes villes, sous l’œil des
MAÎTRE DU JEU
Ci-contre : le 23 avril
1961, à la télévision,
De Gaulle condamne
le putsch d’Alger
par «un quarteron
de généraux en
retraite » et informe
les Français de
la mise en application
de l’article 16
de la Constitution
qui lui donne
les pleins pouvoirs.