Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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© FERNAND PARIZOT/AFP. © LE CAMPION/SIPA.© KEYSTONE-FRANCE/GAMMA RAPHO.
s’agiraitd’échangerl’arrêtdesattentatsOAScontredesgaranties
pour les pieds-noirs restant en Algérie après l’indépendance.
Mais à peine annoncés à la radio, ces accords Susini-
Mostefaï sont désavoués par les frontistes les plus durs, la
course à l’échalote extrémiste agitant le FLN. L’OAS alors
reprend sa politique de la « terre brûlée ». Des centres administratifs,
des écoles, des bâtiments de la régie des transports,
des tribunaux et même la bibliothèque d’Alger sont incendiés.
« Ils veulent qu’on parte ; on ne leur laissera rien. »
Le 1 er juillet, le référendum d’autodétermination consacre
l’indépendance de l’Algérie, plébiscitée par 99,72 % des suffrages
exprimés, les pieds-noirs ne représentant plus qu’un
nombre symbolique. Sentant venir le dernier quart d’heure, le
FLN multiplie de son côté les enlèvements de centaines de
pieds-noirs et de militaires, suivis de tortures et d’exécutions
sommaires, qui culminent le 5 juillet 1962, jour de la proclamation
de l’indépendance, à Oran, où une chasse à l’homme
aboutit à la mort d’environ 700 Européens sous les yeux d’une
armée française qui a reçu l’ordre de ne pas intervenir. Des épisodes
atroces sur lesquels l’ouverture des archives de l’armée
française pourrait apporter des lueurs – à condition qu’elles
n’aient pas été épurées. Sur ce plan comme sur bien d’autres,
comptons encore moins sur les documents du FLN. Chaque
clan en lutte pour le pouvoir après l’indépendance, coup
d’envoi d’une guerre interfrontiste acharnée, a en effet mis
« ses » archives sous le boisseau. A l’heure actuelle, le seul
fonds centralisé reste celui de la Sécurité militaire algérienne,
pilier du nouvel Etat, peu connue pour sa transparence.
Le22août1962,leConseilnationaldelarésistanceintérieure,
énième branche rapportée de l’OAS, manque De Gaulle de peu
au Petit-Clamart, en région parisienne. L’organisateur de cet
attentat, Jean-Marie Bastien-Thiry, fera partie, avec Degueldre,
des quatre activistes exécutés officiellement à l’issue d’un jugement
légal. De Gaullevoulaitque Salan et Jouhaud,condamnés
à mort par le Haut Tribunal militaire créé à sa main juste après le
putschd’avril,soientfusillés.OrJouhaudécopedelapeinecapitale
mais Salan obtient des circonstances atténuantes. Furieux,
De Gaulle dissout alors le Haut Tribunal et le remplace par une
Cour militaire de justice tout aussi inféodée. Le chef de l’Etat
exige que Jouhaud soit exécuté, mais se heurte aux menaces de
démission du Premier ministre, Georges Pompidou, et du garde
NAISSANCE D’UN ÉTAT Ci-dessus : le 3 juillet 1962, la joie
des Algériens après l’annonce du résultat du référendum sur
l’indépendance de leur pays. Le «oui » l’a emporté à 99,72 % des
suffrages exprimés. Page de gauche : après un attentat de l’OAS
à Alger, le 13 mai 1962. En bas : le 26 mars 1962, rue d’Isly, lors
d’une manifestation pacifique des Français d’Algérie, les tirailleurs
algériens de l’armée française avaient ouvert le feu sur la foule
brandissant le drapeau tricolore. Bilan : 58 morts et 200 blessés.
des Sceaux, Jean Foyer. Son exécution risquerait d’étendre à la
métropole une guerre fratricide, limitée pour l’essentiel au sol
algérien. De Gaulle cède, Jouhaud sauve sa tête.
Cetteguerreafaitunecentainedevictimeschezlesmilitants
de l’OAS, elle-même responsable de 1 500 à 1 800 morts,
musulmans en grande majorité, mais aussi loyalistes.
L’affrontement se poursuivra de façon sporadique jusqu’en
mai 1965, lorsque Jacques Soustelle, passé du gaullisme à
l’activisme, fera échouer le dernier projet d’attentat contre
De Gaulle. Le 31 juillet 1968, une loi amnistiera les derniers
détenus OAS. Enfin, le 3 décembre 1982, un nouveau texte
législatif, arraché au forceps par François Mitterrand, révisera
les carrières des militaires et fonctionnaires rebelles, réintégrant
Salan et Jouhaud dans le cadre de réserve, ainsi que six
autres généraux. La guerre franco-française d’Algérie est terminée.
Mais qui oserait dire que les guerres civiles ne laissent
pas de profondes séquelles ? 2
Ecrivain, enseignant et journaliste, Rémi Kauffer est spécialiste de l’histoire
du renseignement et des services secrets.
49
h
À LIRE de Rémi Kauffer
OAS. Histoire d’une
guerre franco-française
Seuil
456 pages
22,80 €