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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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ANTOINE ARGOUD (DARNEY, 1914-ÉPINAL, 2004)

Ce polytechnicien (X-1934) fait partie des officiers les plus brillants

de sa génération. Ayant fait le choix de l’arme blindée-cavalerie

à sa sortie d’école, il est surpris par la défaite de 1940 –

un véritable traumatisme – alors qu’il est en poste à Rabat,

au Maroc. Après le débarquement de novembre 1942

en Afrique du Nord, il participe aux combats de Tunisie

au sein du 3 e régiment de chasseurs d’Afrique, avant

d’intégrer avec son unité la 1 re DB, rattachée à la 1 re armée,

avec laquelle il prend part aux combats des Vosges,

d’Alsace et d’Allemagne. A l’issue du conflit, il passe

par l’Ecole de guerre avant de rejoindre l’état-major

du général de Lattre de Tassigny de 1947 à 1950. Cette

expérience, écrira-t-il, fut «une des chances de [s]a

vie ». Il participe ensuite à la conception de la brigade

«Javelot », une unité blindée ultramoderne capable

d’agir dans le cadre d’un conflit de type nucléaire

en totale autonomie sur de très longues distances.

La qualité de son travail le conduit à intégrer en 1954

l’état-major particulier de Jacques Chevallier, secrétaire

d’Etat à la Guerre. Désireux de servir sur le terrain, il

brigue le commandement du 3 e RCA, avec lequel il part

en Algérie au printemps 1956. Au cours de ce premier

séjour, il impose des techniques radicales de pacification-répression et n’hésite pas à exposer

sur la place publique, pendant de longues heures, les cadavres des fellaghas abattus. Après

un passage par l’Allemagne, le colonel Argoud revient en Algérie en janvier 1959, comme chef

d’état-major du général Massu. Muté en métropole après les «barricades », il obtient un congé

de longue durée au cours duquel il multiplie les contacts avec les adversaires de la politique

algérienne du général De Gaulle. Après l’échec du putsch, auquel il prend une part active, il se

réfugie en Espagne puis retrouve Bidault, Sergent et Soustelle à Rome avec qui il fonde le CNR.

Enlevé en février 1963 par des «barbouzes » à Munich, il est jugé et condamné à la détention

criminelle à perpétuité. Libéré en 1968, il exerce par la suite la profession d’expert graphologue.

JEAN-MARIE BASTIEN-THIRY (LUNÉVILLE, 1927-IVRY, 1963)

11 mars 1963. 6 h 42. Le colonel Bastien-Thiry gît au pied du poteau d’exécution qui se dresse

dans l’enceinte du fort d’Ivry. Vêtu d’un manteau d’aviateur bleu, sans bandeau, un chapelet entrelacé

dans les mains, il vient d’être exécuté, une semaine après sa condamnation à mort par la Cour

militaire de justice. L’attentat du Petit-Clamart, perpétré le 22 août 1962 contre le général De Gaulle,

n’a pas fait de victime. Le chef de l’Etat a cependant refusé de gracier le chef du commando, ne lui

pardonnant pas – racontera le général de Boissieu, présent dans la DS présidentielle – d’avoir mis en

danger la vie de son épouse, Yvonne. Même si des controverses ultérieures tenteront d’expliquer

que Jean-Marie Bastien-Thiry avait seulement projeté d’enlever sa cible, les propos que tint ce dernier

à la barre ne souffrent guère d’ambiguïté. «C’est à partir de la constatation selon laquelle le général

De Gaulle est coupable des crimes de forfaiture, de haute trahison et de complicité de génocide, que nous

avons agi conformément aux possibilités que donne la loi », déclara-t-il avant de se comparer à Claus

von Stauffenberg, l’auteur de l’attentat du 20 juillet 1944 contre Hitler. Comparaison osée, même s’il

existe plusieurs points communs entre les deux hommes, fusillés, l’un à 35 ans (Bastien-Thiry), l’autre

à 36 ans (Stauffenberg), tous deux catholiques fervents et conservateurs. Orphelin de mère à l’âge

de 2 ans, Jean-Marie Bastien-Thiry grandit en Lorraine. A 18 ans, il intègre le lycée Sainte-Geneviève

à Versailles et réussit le concours d’entrée à l’Ecole polytechnique. Il en sort en 1950 et choisit Supaéro

comme école d’application. Rapidement, ses travaux sur les missiles sol-sol SS.10 et SS.11 sont

remarqués et il devient l’un des ingénieurs de l’air les plus prometteurs de son époque, destiné à une

carrière brillante. L’abandon de l’Algérie française lui est insupportable et le conduit à ourdir l’attentat

du Petit-Clamart. «Cette fois-ci, c’était tangent », dira le général De Gaulle quelques minutes après.

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