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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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EN COUVERTURE

66

h

exactions perpétrées contre les Européens

encore présents, mais aussi contre

des harkis et autres «collaborateurs ».

Des exactions renforcées par la surenchère

à laquelle se livrent les différentes factions

entre elles pour dénoncer les traîtres

et autres «valets du colonialisme ».

Des deux camps, le bureau politique

finit par l’emporter grâce à l’appui des

forces de l’ALN extérieure, mieux équipée.

Il réussit sa marche sur Alger, où Ben Bella

entre le 4 septembre après y avoir été

précédé par Boumediene. Une Assemblée

constituante doit être élue le 20 septembre,

mais ses 196 membres procèdent d’une

liste unique établie par le bureau politique

et dont on a rayé les noms de Ben Khedda

ou de Mostefaï. Au terme de cette

élection-plébiscite, l’Assemblée reçoit

le 25 septembre les pouvoirs de l’Exécutif

provisoire et du GPRA. Le lendemain,

elle investit un gouvernement présidé

par Ben Bella, qu’épaule alors la nouvelle

Armée nationale populaire du colonel

Boumediene, qui le renversera en 1965.

Un gouvernement dictatorial s’emploie

à remettre de l’ordre dans un pays

déchiré, notamment au plan administratif

et économique. Cette reprise en main

ne débouche cependant pas sur une

amélioration de la situation des Européens,

puisque des centaines de disparitions sont

constatées après septembre 1962. Quant

aux harkis, leur situation demeure critique

malgré les protestations des autorités

françaises, qui dénoncent les violations

de la clause d’amnistie des accords d’Evian.

CHASSÉ-CROISÉ

Ci-dessous :

l’armée algérienne

patrouillant

dans le djebel en

septembre 1962,

deux mois après

la proclamation

de l’indépendance

du pays. Page

de droite : des

réfugiés piedsnoirs

débarquant

du Ville d’Oran

à Marseille,

le 26 mai 1962.

Quel est le bilan humain

des accords d’Evian ?

Le bilan humain des accords d’Evian est très négatif si on

oppose la lettre du document aux réalités observées après

le 18 mars 1962. Concernant les pertes civiles françaises, on

rappellera qu’elles se chiffrent à plus de 3 000 personnes de

1954 au 19 mars 1962, soit 2 788 morts et plus de 300 disparus.Cettequestiondesdisparus«civils»européens,quidéboucha

selon le mot de l’historien Jean-Jacques Jordi sur un

« silence d’Etat » prend toute son importance après le 19 mars

puisque, sur le chiffre de 1 438 « Européens » et 145 « Français

musulmans » disparus au total, 330 furent enlevés avant le

19 mars, 593 entre le 19 mars et le 3 juillet, et 660 après le

4 juillet 1962 en soulignant ici l’importance des disparus en

Oranie entre le 26 juin et le 10 juillet (679 personnes assassinées

ou disparues, dont 326 morts du fait d’assassinats et

314 disparus à Oran entre le 5 et le 7 juillet).

LechiffredesdépartsdesEuropéens,trèssous-estiméparles

négociateurs français, s’établit en tout à 800 000, sachant qu’à

la fin de 1962 il n’en restera plus que 180 000, et 120 000 en

1964. Le départ catastrophique de ceux qu’on appelle les

« rapatriés » débouche sur un accueil souvent difficile en métropole.Lesautorités,quiseméfientd’unepoursuiteducombatde

l’OAS sur le sol métropolitain (crainte attisée par l’attentat du

Petit-Clamart le 22 août 1962), et l’opinion majoritaire, qui les

associesouventaugrandcolonat,marquentuneréticenceteintée

d’hostilité devant ces nouveaux venus au vécu, aux mœurs

et à l’accent bien différents de ceux des métropolitains.

Le gouvernement a pris progressivement la mesure de leurs

difficultésenenjoignantauxpréfets,le26mai1962,deseconsacrer

à l’accueil des rapatriés, tandis qu’est créé, en septembre

1962, un ministère délégué aux Rapatriés, devenu ministère

de plein exercice entre janvier 1963 et juillet 1964. C’est dans ce

cadre que se mettent en place des aides financières, distribuées

d’abordsousformedesecourspuis,àpartirde1970,enapplicationdeloisd’indemnisation.Lesmontantsallouésontétéimportants

et se chiffrent ainsi à 4,5 milliards de francs en 1963, ce qui

représente 4,4 % des dépenses publiques de l’année.

L’exil ne s’accompagne pas seulement, pour beaucoup, de

difficultés économiques, même si la France des Trente Glorieuses

ouvre des perspectives. Il signifie aussi un déracinement

qui frappel’ensemble de ces « rapatriés » mais d’abord les

plus âgés, qui peinent à trouver des repères dans une métropole

peu connue, voire inconnue. A tout prendre, la minorité

qui, venant principalement d’Oranie, a choisi de s’installer à

Alicante,sollicitéeparlegouvernementespagnolquianotamment

envoyé deux bateaux à Oran fin juin 1962 pour en ramener

2 200 personnes, accuse sans doute un déracinement

moindre, en particulier pour ses membres d’origine espagnole.

Le sort des harkis est encore moins enviable, y compris

© REPORTERS ASSOCIES/GAMMA RAPHO. © AFP.

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