Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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EN COUVERTURE
Quelle fut la genèse des accords d’Evian ?
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h
Le 18 mars 1962, les « pourparlers d’Evian » (c’est la formule
officielle) furent signés entre les négociateurs français et
algériens, ouvrant la phase finale de la guerre d’Algérie. Pour
aboutir à ces accords, les négociations avaient été longues.
La première séance de la conférence d’Evian s’était en effet
ouverte le 20 mai 1961, après le putsch des généraux et tandis
que l’Organisation armée secrète (OAS), née quelques mois
plus tôt, se mettait véritablement sur pied. Elle s’était achevée
le 13 juin 1961 au bout de treize séances, les autorités françaises
refusant de poursuivre plus avant. Une autre réunion
franco-algérienne importante, tenue à Lugrin, sur les bords
du lac Léman, du 20 au 28 juillet 1961, s’était terminée par une
demande de « suspension », formulée cette fois-ci par la délégationalgérienne.Cen’estquehuitmoisplustard,le7mars1962,
que la réunion d’Evian, dont seraient issus les accords éponymes,
avait commencé. Huit séances s’étaient tenues jusqu’au
11 mars, la neuvième et dernière se déroulant le 18 mars.
Depuis le début du processus, les acteurs comme les termes
et les buts de la négociation avaient été délicats à appréhender
pour les autorités françaises, soumises à trois interrogations :
avec quels interlocuteurs négocier ? Comment s’y prendre ?
Que négocier ? Des mois durant, le général De Gaulle avait
refusé de reconnaître la prétention à négocier du Gouvernement
provisoire de la République algérienne (GPRA), constitué
en août 1961 sous l’égide de Ben Khedda (après celui
fondé en septembre 1958 par Belkacem Krim et un second
mis sur pied en janvier 1960). Ce troisième GPRA sera en très
grande difficulté en février 1962 face à l’état-major du Front
de libération nationale (FLN), qui goûte peu la perspective de
négociations et se défie de lui. Les rivalités sont multiples en
son sein et l’instabilité domine, car sa légitimité est contestée
par de larges fractions nationalistes algériennes. De Gaulle
avait d’abord marqué ses doutes à son égard et, dans une note
du 20 décembre 1960, le qualifiait encore de « soi-disant gouvernement
». Dans une allocution radiotélévisée du 4 novembre
1960, s’il considérait que « la République algérienne existera
un jour », il refusait de reconnaître le monopole de
représentation du FLN ou d’engager des « négociations générales
» avant la fin des combats et des attentats.
Les choses évoluent à partir de janvier 1961 où, via le truchement
du diplomate suisse Olivier Long, des contacts
exploratoires se mettent en place entre des émissaires français
choisis par le chef de l’Etat (notamment Georges Pompidou)
et des représentants du FLN. Lors de cette dernière
phase des pourparlers, De Gaulle, impatient d’en finir avec
l’affaire algérienne, adresse aux négociateurs français,
conduits par Louis Joxe, un ultimatum en forme de mise en
garde : « Réussissez ou échouez, mais surtout ne laissez pas
la négociation se prolonger indéfiniment. » Le produit de tous
ces échanges débouche sur la première rencontre d’Evian,
où le FLN est aux commandes, tandis que l’autre parti indépendantiste,
le Mouvement national algérien (MNA), est
exclu des négociations. C’est à lui seul (FLN) que sera confié
le gouvernement de l’Algérie indépendante. Du côté français,
les Français d’Algérie n’ont aucun représentant spécifique
et il n’a jamais été question, tant pour le FLN que pour le
gouvernement Debré, d’imaginer que les élus d’Algérie ou a
fortiori l’OAS pourraient jouer ce rôle.