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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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© AFP. © MICHEL ARTAULT/GAMMA-RAPHO. © M.DE ROUVILLE/PARISMATCH/SCOOP.

diminuera. Pendant des années, des milliers d’anciens harkis

resteront détenus en Algérie. Les derniers sortiront des prisons

ou des camps de prisonniers politiques entre 1965 et 1969.

Le nombre exact de victimes de cette tragédie est impossible

à établir. Car la répression exercée par le FLN à l’égard des

musulmans profrançais a aussi frappé des civils (élus, fonctionnaires,

etc.) et des femmes, et parce qu’il n’a jamais existé

de registres exhaustifs et nominatifs des supplétifs recrutés

entre 1956 et 1962, et enfin parce que des harkis emprisonnés

ont fini par être libérés et sont parvenus à gagner la France,

tandis que d’autres sont retournés en Algérie. Autant de facteurs

qui compliquent les statistiques, et rendent impossible

de comptabiliser de manière précise les harkis tués après les

accords d’Evian. 25 000 victimes ? 50 000 ? 80 000 ? Nul ne

peut le dire en se fondant sur des preuves indiscutables.

Si l’aveuglement du gouvernement français de l’époque

devant le drame est évident, comment évaluer la responsabilité

personnelle du général De Gaulle dans cette tragique histoire ?

Le 3 avril 1962, après les accords d’Evian, le chef de l’Etat, pendant

une réunion du Comité des affaires algériennes, avait lancé

cette phrase : « Il faut se débarrasser sans délai de ce magma

d’auxiliaires qui n’a jamais servi à rien. » Lors du Conseil des

ministresdu25juillet1962,ilaffirmait:«Onnepeutpasaccepter

derepliertouslesmusulmansquiviendraientàdéclarerqu’ilsne

s’entendront pas avec leur gouvernement ! Le terme de rapatriés

ne s’applique évidemment pas aux musulmans : ils ne retournent

pas dans la terre de leurs pères ! Dans leur cas, il ne saurait

s’agir que de réfugiés. Mais on ne peut les recevoir en France,

comme tels, que s’ils couraient des dangers. » Si De Gaulle s’est

montré à peu près insensible au sort des pieds-noirs, son indifférence

a été encore plus tangible à l’égard des musulmans français.Lefonddel’affaireestsansdoutequ’ilneconsidéraitpasles

harkis comme de vrais Français, mais comme des Algériens

comme les autres, dont la place était en Algérie.

Dans son livre Pour l’honneur… avec les harkis, de 1958 à

nos jours (CLD Editions, 2005), le général François Meyer,

qui aura été le porte-parole de la cause des harkis, a raconté

comment, jeune officier pendant la guerre d’Algérie, il a

dirigé successivement deux harkas entre 1958 et 1962, et

comment, à l’issue du conflit, il a personnellement sauvé

350 anciens supplétifs avec leurs familles en les installant

en métropole, fondant notamment un centre agricole pour

anciens harkis sur le plateau du Roure, en Lozère. Jusqu’en

1965, en dépit des interdictions et des obstacles multiples,

environ 80 000 anciens supplétifs de l’armée française et leurs

familles sont parvenus à se réfugier en métropole. De 1962 à

1967, près de 100 000 personnes, en comptant les enfants,

bénéficieront de l’ordonnance du 21 juillet 1962 permettant

aux musulmans d’Algérie d’opter pour la nationalité française.

Caïdsetnotables,fonctionnairesetmilitairesdecarrières’intégreront

tant bien que mal. Les autres auront pour hébergement

les camps de regroupement installés au Larzac (Aveyron), à

Bourg-Lastic (Puy-de-Dôme), à Rivesaltes (Pyrénées-Orientales),

à Bias (Lot-et-Garonne), à Saint-Maurice-l’Ardoise

(Gard) et à La Rye (Vienne). Entre 1962 et 1966, 41 000 Français

musulmans, mis à l’écart de la société,sontlogésdans ces

camps, simples baraquements ou villages de tentes cernés de

barbelés.Petitàpetit,ilsserontdisséminésàtravers17ensembles

immobiliers urbains et 75 hameaux forestiers.

Une reconnaissance tardive

En1974,afind’attirerl’attentionsurleursort,d’ancienssupplétifs

entament une grève de la faim, à Paris, dans la crypte de

l’église de la Madeleine. En 1975, des résidents de Bias et de

Saint-Maurice-l’Ardoise, les deux derniers grands camps de

harkis, prennent en otages des fonctionnaires et des immigrés

algériens. Le gouvernement réagit en faisant détruire ces deux

camps, et en offrant aux anciens supplétifs des logements

décents, des emplois, un programme de formation professionnelle.

Une nouvelle révolte éclate en 1991, conduite par des

enfantsdeharkisnésenFranceetquionteupourseulhorizonla

vie de relégation de leurs parents. Entre mesures gouvernementales,

nouvelles grèves de la faim et autres actions revendicatives,

la cause des harkis finira cependant par progresser.

Ceux-ci, dans les années 1990, bénéficient même de

sympathies paradoxales, à gauche, au nom de l’antiracisme,

comme si les discriminations dont ils avaient souffert étaient

liées à leur origine. Pourtant, le 16 juin 2000, le président

algérien, Abdelaziz Bouteflika, en visite officielle en France,

compare les harkis aux collaborateurs sous l’occupation nazie.

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