Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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E NTRETIEN AVEC HENRI-CHRISTIAN GIRAUD
Propos recueillis par Michel De Jaeghere
La
EN COUVERTURE
50
h
stratégie
chaos
du
De Gaulle a-t-il subi ou organisé les événements
qui ont présidé au règlement sanglant de la guerre d’Algérie ?
Henri-Christian Giraud a repris le dossier à nouveaux frais.
La guerre d’Algérie n’a pas été pour
le général De Gaulle l’occasion d’un
grand retournement. Il était dès
1958 pleinement décidé à y mettre fin
en donnant l’indépendance au pays
et en le livrant au FLN. Tout juste a-t-il
été empêché de le dire avec franchise
parce qu’il avait compris que c’est
en s’appuyant sur les plus ardents
partisans de l’Algérie française, en leur
faisant croire qu’il serait l’artisan
du maintien de l’Algérie dans la France,
qu’il parviendrait à sortir de sa
traversée du désert pour se hisser au
pouvoir et mettre fin à la IV e République
honnie : telle est la thèse que soutient
Henri-Christian Giraud dans Le Piège
gaulliste. Un livre d’une densité
exceptionnelle, en même temps que
d’une grande audace novatrice, nourri
par une impressionnante bibliographie,
le recueil des observations quotidiennes
des contemporains de l’événement,
et plus encore par l’exhumation
d’archives inédites, singulièrement
celles de l’Union soviétique. L’histoire
de la tragédie algérienne en sort
renouvelée par la mise en lumière d’un
écheveau de trahisons et de tromperies
qui constitua, au prix d’un fleuve
de sang, l’un des plus singuliers
mensonges d’Etat de notre histoire.
Quelle intention se cache
derrière votre titre ?
Devant le sinistre spectacle de l’aéroport
deKaboul,uncertainnombred’observateurs
ont fait à juste titre le rapprochement
avec la fin de la guerre d’Algérie
pourdirequece àquoil’onassistait,aussi
terrible que cela soit, était peu de chose
à côté de ce qu’on avait pu voir en 1962 :
en effet,ce qu’ont souffertlespieds-noirs
et les harkis, dans l’indifférence à peu
près générale de la population métropolitaine,
mais de par la volonté délibérée
du pouvoir et de son chef, fut atroce.
Certainshistoriensparlentmêmed’apocalypse…
Or, je me suis toujours posé la
question suivante : le traitement de
l’affaire algérienne devait-il fatalement
être tragique ? C’est à cette question que
j’ai tenté de répondre.
Et quelle est la conclusion
de votre enquête ?
Si,pourCamus,«latragédien’estpasune
solution », en revanche, elle l’est pour
De Gaulle. « Je ne me sens bien que dans
la tragédie », a-t-il confié à son éditeur
MarcelJullian,quiluiprêtaitmêmecette
boutade : «Moi, je fais dans la tragédie. »
Qu’est-ce que cela a voulu
dire concrètement ?
Cela voulait dire changer la donne Algérie
française, sur laquelle De Gaulle avait
habilement surfé pour arriver au pouvoir,
et, de mensonges en coups montés,
créer progressivement les conditions de
la tragédie (l’autre nom du chaos) pour
réaliser son dessein primordial : le dégagement.
Ou encore : la fuite, comme il le
dira sans fard lors du Conseil des ministres
du 4 mai 1962 devant un gouvernement
en état d’hébétude. Il fallait que la
situation soit chaotique pour justifier
qu’il fasse lui-même l’exact contraire de