Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
- No tags were found...
You also want an ePaper? Increase the reach of your titles
YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.
ILLUSTRATIONS : © SÉBASTIEN DANGUY DES DÉSERTS POUR LE FIGARO HISTOIRE.
LOUIS JOXE (BOURG-LA-REINE, 1901-PARIS, 1991)
Lorsqu’il prend la tête de la délégation française chargée de négocier les accords d’Evian,
Louis Joxe a derrière lui une très solide expérience de la diplomatie. Né d’un père breton et d’une
mère alsacienne, il fait ses études à la Sorbonne et obtient son agrégation d’histoire et de géographie.
Professeur au lycée de Metz, il collabore à la revue L’Europe nouvelle puis rejoint en 1932 le cabinet
de Pierre Cot, sous-secrétaire d’Etat aux Affaires étrangères. En 1933, il est membre de la délégation
française à la SDN à la conférence pour la réduction et la limitation des armements. Il rejoint
ensuite l’agence Havas-informations. Révoqué par Vichy en 1940, il gagne l’Afrique du Nord. En 1943,
le général De Gaulle et le général Giraud lui confient le poste de secrétaire général du Comité
français de libération nationale. Après la Libération, il reprend sa carrière diplomatique et, en pleine
guerre froide, se voit successivement confier deux ambassades stratégiques : Moscou et Bonn.
Appelé au gouvernement en juillet 1959, il reçoit l’année suivante le portefeuille des Affaires
algériennes. C’est à ce titre qu’il conclut le 18 mars 1962 un cessez-le-feu avec les représentants
du GPRA. Censés déboucher sur la fin des violences en Algérie, assurer la sécurité et l’avenir
des Européens, ou encore garantir à la France des positions stratégiques dans la région, les accords
d’Evian seront vite bafoués. Le rôle de Louis Joxe dans la tragédie des harkis lui vaudra les plus vives
critiques, en particulier sur la base de cette phrase extraite d’un télégramme daté du 12 mai 1962 :
«Les supplétifs débarqués en métropole en dehors du plan général de rapatriement seront en principe
renvoyés en Algérie (…). Je n’ignore pas que ce renvoi peut être interprété par les propagandistes
de la sédition comme un refus d’assurer l’avenir de ceux qui nous sont demeurés fidèles. Il conviendra
donc d’éviter de donner la moindre publicité à cette mesure. » Après l’indépendance algérienne,
il glane les fonctions les plus prestigieuses : ministre à plusieurs reprises, député, membre du Conseil
constitutionnel et de l’Académie des sciences morales et politiques.
87
h
ROBERT BOULIN
(VILLANDRAUT, 1920-SAINT-LÉGER-EN-YVELINES, 1979)
Le nom de Robert Boulin reste associé à sa mort mystérieuse sur les rives
de l’étang Rompu, au cœur de la forêt de Rambouillet. La thèse d’un suicide,
initialement évoquée, a laissé place à de nombreuses hypothèses, dont celle
d’un assassinat politique. Aujourd’hui encore, «l’affaire Boulin » est l’objet
d’une information judiciaire, ouverte en 2015 à la demande de sa fille Fabienne.
Cet épisode tend à reléguer au second plan le parcours de cet homme qui joua
un rôle clé dans la gestion de la fin de l’Algérie française. Engagé très tôt dans
la Résistance, il rejoint le réseau Navarre en 1941, alors qu’il est étudiant en droit.
Inscrit au barreau de Libourne en 1946, il adhère au RPF l’année suivante. Lors des
élections législatives de 1958, il est élu député UNR de la Gironde, puis maire de
Libourne à l’issue des municipales de 1959. Robert Boulin décroche son premier
portefeuille ministériel en août 1961 comme secrétaire d’Etat aux Rapatriés
dans les cabinets Debré puis Pompidou. Il s’efforce alors de préparer un dispositif
législatif pour faciliter l’accueil des Français d’Algérie en partant du présupposé
qu’une large partie d’entre eux pourraient rester sur place dans le cadre d’accords
qui restaient à négocier. La «loi Boulin » est promulguée le 26 décembre 1961.
Très vite, elle se révèle inadaptée aux circonstances et à l’exode des pieds-noirs
devenu inévitable. En dépit d’une formulation malencontreuse qui demeurera –
il avait qualifié les rapatriés de «vacanciers » en mai 1962 –, Robert Boulin restera
aux yeux de beaucoup, y compris chez les opposants à la politique gaullienne,
comme un «homme de bonne volonté qui employait toute son énergie à faire tout
ce qui était humainement possible », comme le notera l’historien Guy Pervillé.
Après l’épisode algérien, il occupera de nombreux postes ministériels importants
jusqu’à sa fin tragique dix-sept ans plus tard.