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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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© DALMAS/SIPA. © AP PHOTO/HORST FAAS/ SIPA. © AFP.

22 avril 1961 par des militants et des militaires

sortis de la légalité, échoua rapidement

à mettre en échec le cessez-le-feu et

l’application des accords entre la France et

le FLN. L’exode des civils interdit par l’OAS

devint massif et irrésistible après le début

d’une vague d’enlèvements déclenchée

par le FLN après la mi-avril 1962 pour priver

l’OAS de ses soutiens. Ceux qui tentèrent

dereveniren Algérie à l’automne 1962

constatèrent le plus souvent que leur présence

était jugée indésirable. Quant à

ceux, très rares, qui avaient sincèrement

tenté d’être admis comme citoyens algériens

à part entière après l’indépendance,

par attachement inconditionnel à leur

pays natal ou par engagement idéologique

d’extrême gauche, la plupart d’entre eux

durent abandonner la partie après le renversement

de Ben Bella par le colonel Boumediene

(19 juin 1965).

Ceux qui ont vécu l’exode vers la métropole

en ont gardé le souvenir d’un arrachement,

et celui d’un accueil en métropole

manquant souvent de sympathie et de

charité. Même si le gouvernement a rapidement

débloqué les moyens financiers

nécessaires à une rapide réinstallation, ils

ont mal supporté d’être rendus responsables

de leurs malheurs, comme le général

De Gaulle l’avait prétendu pour justifier

son refus de l’indemnisation des biens spoliés,le10juin1964:«L’indemnisation,pourquoi

? La Nation ne leur doit rien (il répète

en haussant le ton). Elle les a laissés s’installer

en Algérie à leurs risques et périls (sic). Ils

en ont tiré suffisamment d’avantages, pendant

suffisamment de temps. Elle a consenti

AVANT L’EXODE Ci-dessus : sur une plage près d’Alger, le 2 avril 1962. Après la signature

des accords d’Evian le 18 mars, l’Organisation armée secrète (OAS) tenta d’empêcher

les départs des pieds-noirs. Mais la vague d’enlèvements déclenchée par le FLN à la mi-avril

pour lutter contre l’OAS entraîna un exode définitif. Page de gauche, en haut : dans les

rues d’Alger, en novembre 1960. Page de gauche, en bas : à Oran, le 30 avril 1960.

suffisamment de sacrifices, pendant huit

ans, pour essayer de les y maintenir. (…) Dès

lors que nous avons mis fin au système colonial,

il n’est pas possible qu’ils en profitent

encore, indéfiniment. »

Si trop d’entre eux ont subi un traumatisme

irréparable, leur revanche fut la

brillante réussite d’un grand nombre de

leurs enfants dont René Mayer a publié un

inventaire. Et le plus illustre d’entre eux,

l’écrivain et dramaturge Albert Camus, Prix

Nobel de littérature en 1957 et mort en

1960, avait été placé par son ami algérien

Mouloud Feraoun au rang des trois plus

illustres intellectuels de l’Afrique du Nord,

avec saint Augustin et Ibn Khaldoun.

Il reste à répondre à la question : pourquoi

sont-ils appelés « pieds-noirs » ? Une

réponsedéfinitiveaétéapportéeparleslecteurs

de la revue L’Algérianiste. Il s’agissait à

l’origine du nom d’une bande de jeunes qui

avaient violemment manifesté contre les

attentats terroristes de 1952-1953 dans le

quartier de Maarif à Casablanca. Ce nom

fut repris dans la presse et rapidement

étendu aux Français d’Algérie dans les

années 1954 à 1962. Quand ils arrivèrent en

France, ils avaient été précédés par ce nom

que la plupart ignoraient jusque-là. Le nom

de « pieds-noirs » arriva donc au bon

moment, pour exprimer l’identité collective

d’un peuple doublement minoritaire,

qui se sentait menacé d’un choix tragique

entre « la valise et le cercueil ». Mais aussi

pour faciliter le relâchement des liens de

solidarité entre les Français de France et des

compatriotes de plus en plus embarrassants,

en les faisant passer pour une peuplade

étrange aux origines incertaines. En

tout cas, le symbole convenait très bien

à une communauté de déracinés qui

auraient voulu pouvoir emporter leur

patrie à la semelle de leurs souliers.2

Professeur émérite d’histoire contemporaine

à l’université Toulouse-Jean-Jaurès, Guy Pervillé

est l’auteur de nombreux ouvrages sur l’histoire

de l’Algérie coloniale et sur la guerre d’Algérie.

À LIRE de Guy Pervillé

Histoire

iconoclaste de la

guerre d’Algérie

et de sa mémoire,

Vendémiaire,

672 pages, 26 €.

Les Accords

d’Evian (1962),

Armand Colin,

288 pages,

29,40 €.

85

h

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