Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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UN EMPEREUR À CHEVAL
Ci-contre : Portrait équestre de Charles
Quint à Mühlberg, par Titien, 1548
(Madrid, Museo del Prado). Le 24 avril
1547, Charles Quint remporta, à Mühlberg,
à environ 150 km au sud de Berlin,
une victoire écrasante contre les princes
protestants allemands du Nord, unis
sous la bannière de la ligue de Smalkalde.
Malgré cette victoire, l’empereur dut signer,
en 1555, la paix d’Augsbourg, qui accordait
aux Etats luthériens la possibilité de choisir
entre les deux confessions chrétiennes.
Habsbourg n’avaient plus un seul chef,
mais deux branches et deux dynasties.
Est-ce la raison de sa
retraite après ses deux
abdications volontaires
(1555 et 1556) dans
le monastère de Yuste ?
Son abdication suscita la surprise et
l’étonnement dans toute l’Europe.
L’échec de ses projets politiques, l’hostilité
du nouveau pape Paul IV, une condition
physique détériorée, ainsi qu’une
certaine fatigue de vivre peuvent expliquer
cette décision. Quant à sa retraite,
certains historiens ont mis en évidence
son aspect mystique. L’empereur était
arrivé dans ce monastère des montagnes
d’Estrémadure pour y expier ses fautes,
être en paix avec sa conscience et se préparer
au jugement divin. Il poursuivait la
pratique religieuse qu’il avait exercée
avec zèle pendant ses années au pouvoir.
Iln’étaitnicloîtrédansunecellule,niisolé
durestedumonde.Ilavait fait construire
une demeure seigneuriale bâtie sur deux
étages qui jouxtait la chapelle du monastère.
Ornée de colonnes toscanes, couronnée
par une large terrasse couverte,
cette bâtisse de style Renaissance s’intégrait
parfaitement à l’austère architecture
du monastère. L’abandon de la vie
séculaire fut partiel. Charles continua à
s’occuper de politique. Des lettres arrivaient
à Yuste en provenance de toute
l’Europe. Ses enfants lui écrivaient,
demandaient des conseils et le tenaient
informé de l’évolution des affaires. Ses
journéesétaientparfaitementrythmées:
le matin, prière, messe, examen des affaires
courantes avec ses secrétaires, repas ;
l’après-midi, potager, pêche dans le bassin,
visites qu’il recevait, souper. Les soirs
d’été, il aimait s’attarder sur la terrasse ou
le mirador pour profiter de la fraîcheur.
Une belle mort ?
L’empereur avait alors 58 ans. Sa santé
précaire faisait de sa vie quotidienne un
véritable calvaire. De terribles crises de
goutte l’empêchaient parfois de marcher
et ses gentilshommes de chambre
© DOMINGIE & RABATTI/LA COLLECTION.
devaient alors le déplacer sur une litière.
Illuiétaitdevenuimpossibledemonterà
cheval.Toutefois,ilnerenonçaitpasàl’un
de ses plaisirs, les mets succulents salés et
épicés accompagnés d’une bonne bière
glacée. Son jeune médecin Henri Mathys
de Bruges n’avait pas la tâche facile et il
écrivait quotidiennement des lettres à la
régente Jeanne sur l’état de santé de son
père et sur sa difficulté à lui faire changer
ses habitudes alimentaires. Pendant
les premiers jours de septembre 1558,
la santé de Charles empira. Il vomissait
constamment. La nuit du 16 septembre,
il eut un accès de froid accompagné d’un
vomissement de bile noire, suivi d’une
violente attaque de fièvre qui le paralysa
et le priva de la parole pendant une journée
entière. Le 19 septembre, nouvelle
crise avec les mêmes symptômes. Le
matin du 21 septembre, l’empereur
fut certain que son heure était arrivée.
Les moines se réunirent autour de son
lit pour réciter des prières pour les
agonisants. Charles demeura toujours
conscient, il ne perdit ni connaissance ni
l’usage de la parole. Il demanda un crucifix,l’embrassaet
letint sur sapoitrine.Un
instant plus tard, il émit deux ou trois
profonds soupirs et il s’éteignit. L’homme
qui avait été le plus puissant de la terre
était mort de malaria.2
À LIRE
Charles Quint.
Un rêve impérial
pour l’Europe
Juan Carlos
D’Amico et
Alexandra Danet
Perrin
768 pages
27 €