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Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française

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déjà comme Premier ministre ; les mutations

massives d’officiers engagés dans

les événements du 13 Mai à des postes

en métropole et en Allemagne et leur

remplacementpardesfidèles;lareprise

discrète, dans la nouvelle Constitution,

d’un « outil séparateur » avec l’article

53 (titre VI) qui donne la possibilité

de « cession, échange ou adjonction de

territoire » en vertu d’une loi et avec le

« consentement des populations intéressées

», ce qui permettradecontourner le

dogme sacro-saint de l’inaliénabilité du

territoire de la République ; la dévitalisation

des comités de salut public nés

du 13 mai 1958 par l’ordre de retrait des

militaires ; le lancement en fanfare de la

Communauté(nouveaunomdel’Union

française), dans laquelle De Gaulle prétendinscrireledestindel’Algérie,touten

soutenant que « personne n’est tenu d’y

adhérer » et en précisant surtout que

« l’indépendance est à la disposition de

qui veut la prendre » ; et enfin, derrière

l’effet d’annonce de l’appel à la «paix des

braves », le 23 octobre 1958, l’appel du

pied à l’«organisation extérieure », pour

l’inviter à la signature d’un cessez-le-feu,

qui accorde au GPRA, le prétendu gouvernement

algérien en exil, un crédit

qu’il n’avait plus aux yeux des wilayas à

bout desouffle et vent debout contre les

«nantis de Tunis », pour, ce faisant,habituer

l’opinion publique française à l’idée

d’une négociation avec lui.

Avançant masqué derrière ces paravents

etlessuccèsvitespectaculairesdesoffensives

Challe, qui ne laissent au bout d’un

an aucun espoir aux fellaghas, dont les

effectifs fondent de 121 katibas à seulement

35 à effectifs réduits un an plus

tard, le guerrier de la politique qu’est

De Gaulle peut œuvrer dans le secret à

son renversement des alliances. Au nom

de la ruse, éminente qualité de l’homme

d’action comme il l’a écrit dans Le Fil de

l’épée, tout y passe : gages et fausses promesses,

mensonges répétés, dissimulationsetassurancesdetousordres,provocations

aussi, y compris l’engagement de

sa parole d’honneur ! «Dans cette affaire

algérienne, conclura Raymond Aron,

De Gaulle a menti à tout le monde. »

Quand finit-il par abattre

son jeu ?

Le coup de théâtre gaullien a lieu le

16 septembre 1959 : devant le peuple

français en état de choc, le chef de l’Etat

annonce un référendum sur l’autodétermination

sur la base de trois options

possibles : la sécession, la francisation

ou l’association. Et encore, ce troisième

mot, « l’association », il ne le prononce

pas. Il se contente de le désigner en

usant d’une périphrase interminable

(« le gouvernement des Algériens par les

Algériens, appuyé sur l’aide de la France

et en union étroite avec elle pour l’économie

», etc.), car cela pourrait être vu par

le FLN comme l’amorce d’une troisième

voie entre l’indépendance et l’assimilation.

Signe qu’à ses yeux, l’autodétermination

qu’il promeut officiellement

n’est au fond que le masque d’une prédétermination

en faveur d’une indépendance

à tout prix.

Or ce que l’on a appris depuis, grâce à

une confidence publiée dans un livre

posthume (1995) de Louis Terrenoire,

ex-ministre de l’Information, c’est que

dans le plus grand secret et au prix bien

sûr de mille précautions,De Gaulle était

allé jusqu’à soumettre la teneur de son

discours sur l’autodétermination aux

chefs du FLN : Ben Bella, Boudiaf, Aït

Ahmed, emprisonnés en France, avant

même d’en faire l’annonce au peuple

français… « Ils m’auraient embrassé »,

confiera le messager, Gaston Gosselin

du cabinet de Michelet. Cette manière

de faire – qui n’est finalement que la

poursuite de sa diplomatie secrète en

direction du FLN depuis octobre 1956 –

consacre définitivement le renversement

des alliances (« Désormais,

DeGaulle a partie liée avec nous », dit un

ministre du GPRA à Jean Daniel) et la

désignation de l’«ennemi commun » (le

mot est de Belkacem Krim) aux deux

parties : le camp Algérie française.

Que représente face à lui

ce camp ?

Selonunsondagedel’Ifop,ilétaitun an

plus tôt encore majoritaire (52 %) dans

l’opinion publique française et surtout

au sein de l’UNR, le parti gaulliste, ce

qui n’est pas pour arranger les affaires

du chef de l’Etat, qui va tout faire pour

le mettre au pas ! Concrètement, ce

bloc Algérie française se compose de

l’armée à quelques exceptions près,

des Européens d’Algérie hormis quelques

«libéraux », d’un certain nombre

de personnalités métropolitaines de

tous bords, et d’une forte proportion

de musulmans fidèles à la France dont

certains sont des élus de la République

et d’autres des combattants : soldats,

moghaznis, harkis, dont le nombre

avoisine les 220 000. Un chiffre très

supérieur aux effectifs de l’ALN.

En leur sein, et en dépit de tout, nombreux

restent ceux (de Challe, partisan

d’une «décolonisation par promotion »

et non « par abandon », à Soustelle en

passant par Camus, Debré ou même

Salan) qui, sur la base des résultats

électoraux précédents et du délitement

du FLN, croient encore jouable

une « solution française », puisque le

chef de l’Etat a annoncé le référendum

d’autodétermination dans un délai de

quatre années après leretour dela paix,

ce qui laisse de la marge. Mais le maréchal

Juin, lui, connaissant bien le processus

de pensée de son camarade de

53

h

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