Le Figaro: le crépuscule sanglant de l'Algérie Française
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EN COUVERTURE
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h
principe de s’exercer en Algérie pour une période transitoire de
troismoistandisquesemetenplaceunExécutifprovisoire.Mais
le FLN devient un mouvement légal, alors que l’OAS reste clandestine.
Des cours martiales sont instaurées à Alger et à Oran.
Les magistrats ne frappent quasiment que les pro-OAS, en quoi
ils se conforment à la volonté du général De Gaulle de « briser par
tous les moyens et (…) réprimer impitoyablement l’insurrection
arméequisedéveloppedanslesdeuxplusgrandesvillesd’Algérie,
ainsi que les crimes qui s’y perpètrent quotidiennement »,
exprimée en Conseil des ministres. De part et d’autre, la guerre
civile s’intensifie, faisant de mars 1962 un mois sanglant.
Le 15, les commandos Delta exécutent au fusil-mitrailleur
6 dirigeants des centres sociaux éducatifs d’Algérie. Le 23, les
commandos Alpha de Jacques Achard, l’un des chefs OAS
algérois, tentent de transformer en camp retranché le quartier
populaire de Bab el-Oued et ses 60 000 habitants pieds-noirs.
Dans la matinée, les Alphas abattent 6 appelés qui refusaient de
leurremettreleursarmes–unseptièmemourradesesblessures.
Commentjustifierl’exécutiondecesjeunesgensducontingent?
Le drame contraint Achard, dépassé, à stopper une opération
aussi mal engagée. Vers 13 heures, les Alphas mettent à profit
des complicités chez les militaires pour évacuer la zone.
Bab el-Oued doit être puni, décide alors le nouveau commandant
en chef, le général Ailleret. Le bouclage du quartier
par les gendarmes mobiles et l’armée commence un peu
avant 15 heures. Les tirs reprennent. Cette journée de combats
fratricides se clôt sur un bilan de 35 morts dont 15 parmi
les forces de l’ordre. Le jour même, De Gaulle ordonne par
écrit à Christian Fouchet, le haut-commissaire de France à
Alger, que les auteurs de « tout coup de force ou attentat de
l’OAS » soient « aussitôt passés par les armes » sans jugement.
Jamais le chef de l’Etat n’avait préconisé pareille mesure :
c’est la reconnaissance de l’état de guerre civile.
Dans une tentative désespérée de briser le blocus de Bab el-
Oued,lecolonelVaudrey,autrechefd’uneOASdeplusenplus
atomisée, convoque par tracts une manifestation pacifique
le 26 mars. La foule brandit le drapeau tricolore, elle chante
La Marseillaise. En dépit des instructions prohibant, dans de
tels cas, le recours à des soldats d’origine algérienne, le service
d’ordre est assuré par un bataillon du 4 e régiment de tirailleurs.
Vers 15 heures, des coups de feu venus d’on ne sait où éclatent
rue d’Isly. C’est la panique. Des tirailleurs vident leurs chargeurs
sur les manifestants. On relève au moins 58 morts, que
l’armée, gênée, fera enterrer de nuit, et quelque 200 blessés.
Pour les Français d’Algérie qui ne se sont pas encore exilés,
c’est la fin sanglante d’une illusion. Ils avaient toujours cru que
les militaires finiraient par basculer de leur côté. Le massacre
de la rue d’Isly vient de prouver le contraire.
Apocalypse Algérie
Le 8 avril 1962, un référendum réservé aux seuls métropolitains
– procédure inouïe – approuve les accords d’Evian, soit l’indépendanceavecleseulFLN,par90,8%dessuffragesexpriméset
28 % d’abstentions ou de bulletins nuls. Entre attentats de l’OAS
etattentatsduFLN,AlgeretOranviventdèslorsunenfer:explosions,attentats,tirsdemortiers,demitrailleuses,lancersdegrenades,
plasticages. Les deux organisations ne s’affrontent quasimentjamais,sinonparletruchementd’assassinatsdecivilsde
la communauté adverse : Algériens pour l’OAS, Français pour
le FLN. Des cliniques frontistes subissent des attaques tandis
que, côté OAS, on détruit des stocks de plasma sanguin destinés
aux quartiers arabes et que le FLN enlève des civils européens
ou des militaires pour les vider de leur sang.
ApocalypseAlgérie.Lahaineàl’étatpur.AAlger,lenombre
des victimes d’attentats passe de 366 en avril à 594 en mai.
Sept sur dix sont attribuables à l’OAS, qui tue 62 dockers
musulmans dans un attentat à la voiture piégée le 2 mai. Le
reste au FLN, qui accentue aussi sa politique de terreur dans le
bled.L’OASnesortpasdesquartierseuropéens,oùelletueles
musulmans de passage. Le FLN, lui, vole des voitures pour
sillonner ensuite les rues et mitrailler les Européens au hasard.
Ce même mois de mai à Paris et à Marseille, la police arrête
5 Deltas avant qu’ils ne perpètrent le seul attentat contre
De Gaulle monté par l’OAS en tant qu’organisation, les autres
tentatives comme celle de Pont-sur-Seine étant le fait de groupes
satellites. Résultat : un rejet accru de l’opinion. Menée par
Susini, une partie de l’OAS tente début juin la négociation de la
dernière chance avec certains éléments modérés du FLN. Il